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René Euloge entre tradition berbère et modernité coloniale  [3/8] 
Gérard Chalaye    
 

inférieure, ils ne peuvent être, selon les théories d’Auguste Comte, que des primitifs attardés à la queue du peloton de l’humanité et qui doivent redoubler de problématiques efforts pour rejoindre le groupe de tête. Il y aurait, dit-il,  « au fond de cette question un malentendu qui consiste à opposer les résultats de civilisations séculaires à la nudité de barbaries prolongées par le fait de circonstances fatales. Pour être juste envers les Chleuhs reclus dans leurs montagnes et rayés du reste du monde, ce sont les ancêtres de nos peuples qu’il faudrait leur comparer et alors on aurait, peut-être, une chance de retrouver cette égalité de nature qui s’est perdue dans le cours du temps au bénéfice des races "privilégiées" […]. Le Chleuh est un primitif »[1].

      C’est cet écart temporel dans la course au progrès qui explique, selon l’auteur, la complexité des relations entre berbères et Français que nous avons évoquées plus haut. Le phénomène de la colonisation n’est plus perçu qu’à travers le prisme de cette distorsion des civilisations considérée comme passagère. En effet,
« pour porter un jugement sur les Chleuhs, il faut avoir vécu longtemps avec eux, sans aucun parti-pris, sans sympathie exagérée ni sentiments d’hostilité préconçue. Lorsqu’on s’entretient avec les indigènes, ou lorsque ceux-ci sont un sujet de discussion, le grand tort, c’est d’oublier qu’ils ne sont pas des paysans de Normandie, des ouvriers du Creusot ou des bourgeois de Lyon. Combien d’Européens ayant de nombreuses années de séjour dans le pays pensent et raisonnent chleuh ou arabe et, dépouillant tout ce qui fait d’eux le Roumi, peuvent se mettre, ne serait-ce que quelques instants, dans la peau d’un Marocain ? »[2].

     Abdallah Laroui a noté, avec raison, combien il entre ici de littérature d’époque dont le but principal est de justifier la colonisation économique car telle que cette dernière « investit le Maghreb, elle se déroule tout entière dans le domaine de l’échange ; pour qu’elle se développe ou simplement se maintienne, il faut qu’il y ait toujours des primitifs »[3].

NOTES


[1] ibid., p. 17
[2] ibid., p. 17
[3] Abdallah Laroui, L’Histoire du Maghreb II, FM / petite collection Maspero ,Paris, 1970,  p. 148


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