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Présentation de la société
Les littératures de l'ere coloniale
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René Euloge entre tradition berbère et modernité coloniale [4/8]
Gérard Chalaye
III-LES "VERTUS" DU
COLONIALISME FRANÇAIS
Ainsi, l’auteur finit par prôner du côté français, une Pacification
la moins violente et la moins cruelle possible et du côté des tribus
berbères, une soumission la plus volontaire et la plus coopérative possible[1].
En effet, le concept
de primitivisme, développé plus haut, implique
naturellement, selon
Euloge, la nécessité de la colonisation. Dans la logique
de ce raisonnement, le
Protectorat joue le rôle positif de
l’accélérateur provisoire qui devrait
permettre à la civilisation berbère de rattraper son
retard conjoncturel. C’est
bien ainsi que l’entend l’auteur qui déclare
que« la France a étendu ses bienfaits dans tous les
domaines, sans
distinction de races ou de confessions religieuses à toutes les
populations du
Maroc qu’elles a trouvées et prises sous sa tutelle. On ne
l’en saurait blâmer.
Est-il nécessaire de rappeler tout ce que les Juifs du Maroc
doivent à la
France ? Nombre d’entre eux le reconnaissent »[2].
L’auteur est intimement persuadé du bien fondé de
l’Impérialisme au point qu’à plusieurs reprises, il met dans la bouche de ses
personnages berbères, des paroles de louange pour les résultats de l’action
coloniale de la France. C’est, dans Fin de dissidence, le cas de l’amghar
Haddou de la tribu insoumise des Aït Azenkoud qui envisage la possibilité de
déposer les armes :« Quand nous sommes allés à Kasba-Tadla, nous
avons parlé, en confiance, à
nos frères musulmans. Ils nous ont affirmé que leur vie
était bonne, que
l’administration des Roumis réprouve les injustices et que
les chefs
français font, souvent, preuve de clémence et ne
réclament pas d’argent. les mosquées n’ont
pas été détruites, les
marchés hebdomadaires regorgent de marchandises et l’on
s’y rend en toute
sécurité »[3].
Logiquement et en
bon "ouvrier colonial", le berbérophone René Euloge se fait militant,
essaye de mettre sa connaissance du terrain au service de la cause française et
va jusqu’à prôner l’utilisation des prêches, dans les campagnes, pour propager
la foi impériale. Il affirme qu’« on ne devrait point faire
fi de l’influence des conférences, des causeries familières plutôt, des prêches
à travers les souks des campagnes […]. Croit-on superflu de justifier
telle ou telle mesure nécessaire, d’expliquer, sommairement, les raisons d’un dahir
et de mettre en relief les conséquences heureuses de son application ?
»[4].
Bien conscient des
imperfections du système colonial, l’écrivain pense que, du point de vue du
réalisme politique géostratégique, celui-ci est inéluctable. Il finit par
utiliser un dernier "argument massue" à savoir que le Protectorat
français est préférable à la domination de n’importe quelle autre nation
européenne : « Si les Marocains pouvaient être en contact, durant
deux années, avec des protecteurs anglo-saxons ou germaniques, ils
auraient, tôt fait, d’apprécier le comportement et les méthodes de leurs
nouveaux tuteurs »[5].
Poussé dans ses derniers retranchements, l’auteur des Fils
de l’ombre affirme que les Marocains, indifférents à la nationalité de
leurs "protecteurs", ne peuvent pas l’être aux améliorations
matérielles que ces derniers leur apportent et que sur ce point, la supériorité
française ne peut être remise en cause[6]. L’écrivain finit par
déclarer que la fin du Protectorat et le départ de la France seraient pires que
la colonisation elle-même[7].
IV - LE PROTECTORAT IMPOSSIBLE
L’auteur des Fils de l’ombre aimerait ainsi croire à
la possibilité d’un Protectorat harmonieux favorisant à la fois les
"protégés" et les "protecteurs". Mais la connaissance du terrain
dont nous parlions plus haut ne serait pas réelle si l’idéologie coloniale
d’Euloge n’était pas secrètement corrodée par des doutes et des interrogations
abyssales. Sous un optimisme, de surface, quant à l’avenir du Protectorat, le
réalisme de René Euloge est marqué d’un profond pessimisme qui est la preuve,
s’il en était besoin, de sa lucidité. C’est d’abord, en effet, le concept de primitivisme
qui lui pose problème et l’empêche de croire à un avenir radieux de la France
dans l’Atlas marocain.
La notion même de retard historique qui servait d’argument
devient, maintenant, un obstacle : « Le Marocain n’est pas prêt à
recevoir, à assimiler nos conceptions humanitaires merveilleusement idéalistes
qui le surprennent, l’ébahissent. Il en a été tellement sevré ! Il n’a pas
l’habitude. Quand il aura l’habitude, c’est lui qui réclamera davantage et très
fort » espère-t-il. Le plus
paradoxal est que, contrairement aux idées reçues, ce décalage, entre les
civilisations, rend Euloge extrêmement réservé sur les bienfaits de la
colonisation. Il en conclut au
dialogue difficile entre les civilisations, à l’impossible transparence des
cultures et à l’incompréhension inéluctable.
Ainsi, dès 1928, l’auteur envisage une révolte de masse
NOTES
[1] Des horizons d’hier aux horizons d’aujourd’hui, p. 12
[2] ibid., p. 29
[3] René Euloge, Fin de dissidence, in Les
derniers fils de l’ombre, éditions de la Tighermt, Bellegarde, imp. SADAG,
Marrakech, 1952, p. 108
[4] Des horizons d’hier aux horizons d’aujourd’hui, p. 16
[5] ibid., p. 28
[6] ibid., p. 24
[7] ibid., p. 27
[8] ibid., p. 18
[9] ibid., p. 19
[10] Le Serment, p. 125
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