Dominique Ranaivoson
La littérature coloniale depuis 1960
Madagascar a marqué si profondément de nombreux
envoyés de la métropole, qu’un nombre significatif d’entre eux ressent le
besoin d’écrire en conservant ces modèles coloniaux. Les thèmes de la
rencontre, de la fascination et de l’étrangeté, de la magnificence de la
nature, de la nostalgie d’une vie de rêve laissée à jamais, les généralités
idéalisées sur les populations, sont toujours abondamment développés dans ces
œuvres.
Distinguons d’abord les Français nés ou ayant grandi dans l’île, se considérant
enfants de cette terre (« zanatany » en malgache) , y situant donc leurs
souvenirs de bonheur et d’enfance. Ils évoquent cette période de façon
anecdotique comme Claude Simon ( L’acacia, 1989, Jean-Luc Coatalem, Les
beaux horizons, 1997) ou , par la poésie , avec lyrisme (Guy Pommereau,
Tropiques d’antan , 1993, Madeleine Malet, Zanatane, Fleur de lances,
1997), par le récit de leur retour sur les lieux ( Chantal Serrière, Pangalanes,
retour à Madagascar, 2001), ou par un historique des lieux comme celui que
constitue l’hommage de Suzanne Mollet et Lucile Allorge à leur père Pierre
Boiteau dans Histoire du parc botanique et zoologique de Tsimbazaza
(2000). Les militaires ont laissé dans leur famille des souvenirs si vifs que
leurs descendants se nourrissent de ces documents. Ainsi Pierre Denis publie-t-il
en 2001 le récit du séjour de son père René Denis en poste entre 1907 et 1909 à
Madagascar. Les administrateurs, au rythme de leurs tournées, furent sans doute
les plus attentifs à la vie des populations. Lucien Somer d’Assenoy, Ferdinand
Déléris, Jean-Maurice Comte, Roger Pascal, en rapportent des récits réalistes,
vifs, décousus , précis et distanciés, où ils avouent avoir cherché dans ce
pays l’accomplissement d’eux-mêmes et le paradis associé au lointain1.
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1. Lucien Somer d’Assenoy intitule son premier
chapitre « L’embarquement pour Cythère », citant ces vers de Baudelaire:
" Etonnants voyageurs ! Quelles nobles histoires.Nous lisons dans vos yeux
profonds comme les mers!"