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Tribulations et Distributions du savoir :   l’Afrique à la croisée des discours et des sciences                                                           [1/5]

Anthony Mangeon / Université Montpellier III

[ paru pp.89-94 in « Voyages en Afrique : de l’explorateur à l’expert », Notre Librairie, revue des Littératures du Sud, N°153 ; adpf-éditions /Ministère des Affaires Etrangères, Paris, janvier-mars 2004, 159 p.]

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http://www.adpf.asso.fr/librairie/derniers/153/somm153.htm

 

Plutôt qu’une interaction, c’est une opposition de l’Europe et de l’Afrique que l’histoire et la lecture des récits de voyage nous laissent le plus souvent découvrir ; et l’on ne saurait mieux souligner ce paradoxe de la relation qu’en étudiant les rapports entre voyage et savoir. Ceux-ci ont été conçus de manière fondamentalement unilatérale et exclusive : si le voyage fut à la source du savoir élaboré et de la domination économique et politique exercée par l’Europe sur le continent noir, c’est également son bagage scientifique tout autant que sa civilisation et ses biens matériels que la puissance impériale aurait importés en Afrique ; mais pour avoir été grande pourvoyeuse de matières premières et de ressources humaines, l’Afrique n’aurait en revanche guère exercé d’influence intellectuelle ni même contribué au développement de la connaissance scientifique, sinon en tant champ d’observation ou d’application. Ce sont donc les présupposés, les contextes et les effets des tribulations et des distributions du savoir que nous voudrions ici exposer. Une interrogation sur la validité de la production scientifique doit cependant avoir deux versants : si le savoir est bien au cœur des dispositifs conceptuels dominant la relation Europe-Afrique, inversement, cette dernière pourrait bien être au centre de nouvelles conceptions et de nouvelles distributions du savoir, ainsi que d’un redécoupage de ses champs ou d’une reformulation de ses finalités.

 Le Discours hégémonique et ses remises en question

 Dès le XVe siècle, les grands voyages génèrent des « relations » qui (leur nom l’indique) sont avant tout des discours restituant un regard, déformé par toute une série de prismes : ainsi le prisme grec, le prisme chrétien, le prisme primitiviste constitueront au fil des siècles autant d’occasions d’enfermer le monde noir dans des oppositions dichotomiques et un système d’évaluation hiérarchique. Avant même de se concevoir comme entité géographique ou ensemble historique, « l’Afrique » subit une « invention » rhétorique qui permet surtout à l’Europe de se définir par contraste ; avant d’être sujet d’un discours auto-référentiel, elle est objet d’un discours extérieur, dont les énoncés tendent à s’auto-valider par la reproduction ou la circulation de « lieux communs »[1]. Quant à « l’Africain », il est dès cette époque contraint à donner la réplique dans la langue et les réflecteurs idéologiques de l’autre : dès 1526, Afonso Ier (roi du Kongo converti au Christianisme), écrit au roi du Portugal et au Pape des lettres latines dénonçant en l’esclavage une pratique contraire aux principes chrétiens, nuisible à son autorité et néfaste à la consolidation de la foi ; de même, c’est en anglais qu’en 1789 Olaudah Equiano rédige son autobiographie pour témoigner des réalités de la vie quotidienne en Afrique et de l’esclavage en Amérique[2].

Un discours à visée explicitement scientifique se développe au XIXe siècle, qui légitime les récits des voyageurs, missionnaires ou explorateurs comme autant d’observations objectives, et qui réinterprète la curiosité pour les primitifs à l’intérieur du paradigme naturaliste et évolutionniste, sinon dans le cadre d’une hiérarchie raciologique héritée de Gobineau : c’est l’époque des « zoos humains » et des aberrations de l’anthropologie physique, dont le destin de la « Vénus Hottentote » constitue une triste et célèbre illustration[3].

Après l’expansion coloniale, le contact prolongé avec les populations et la nécessité de les administrer donnent naissance à des discours qui ne visent plus tant à souligner l’étrangeté des sociétés africaines qu’à révéler leurs spécificités. Une partition et une distribution inégale de la production scientifique s’établit, qui débouche sur une répartition du savoir dans des genres différents de discours, lesquels participent d’énonciations concurrentielles et de figures antagonistes. Les « Coloniaux » se veulent les premiers médiateurs entre métropolitains colonisateurs et indigènes colonisés : pour néanmoins comprendre l’ambivalence de ce statut, il suffit de comparer deux itinéraires d’administrateurs français, le linguiste Maurice Delafosse et l’écrivain d’origine antillaise René Maran. Le premier participe à des opérations de pacification et de délimitations de territoires en Afrique de l’Ouest, et se fait promoteur d’une ethnographie itinérante, tâchant d’allier perspective locale (avec l’attention aux langues africaines comme unités de culture) et perspective globale (avec l’attention aux structures politiques et religieuses comme ensembles de synthèse) ; il donne ainsi naissance à de nouvelles figures de la médiation : sur le plan administratif, le Broussard, artisan de la Politique Indigène et protecteur paternaliste des cultures locales ; sur le plan institutionnel, l’Africaniste, ou spécialiste et défenseur de l’Afrique dans les métropoles[4]. René Maran exerce de son côté en Afrique Centrale, quand en 1921 la publication de Batouala, véritable roman nègre l’inscrit en rupture de ban avec le colonialisme français, et fait alors de lui le créateur d’une approche ethnographique plus spécifiquement littéraire ainsi que le porte parole des colonisés ; dans la suite de sa carrière, Maran sera lui aussi initiateur de nouvelles figures médiatrices : celle de l’intellectuel noir, voix critique des exactions et des abus européens ; celle de l’écrivain français, garant d’une exigence universaliste héritée des Lumières ou celle de l’écrivain francophone, critique de ses dévoiements.

 A travers l’opposition entre Delafosse et Maran, c’est toute l’économie du discours sur l’Afrique qui s’esquisse pour les décennies à venir : la concurrence entre les approches « scientifique » et « littéraire » de l’ethnographie et la divergence entre apologétique et critique de la colonisation se retrouveront notamment à travers les figures de Marcel Griaule et de Michel Leiris ; la collusion entre intellectuels noirs et écrivains français contre le colonialisme aura également une prestigieuse postérité, à travers Gide, Montherlant, Césaire, Sartre et Fanon ; quant au point de vue africain, il sera très précisément contraint de s’exprimer à la croisée de ces deux pratiques discursives et de ces deux attitudes : c’est dans les revues coloniales, sous forme d’articles ethnographiques, de transcriptions de contes ou de mythes que s’expriment en effet les premières manifestations d’un nationalisme culturel et d’une littérature africaine en langue française[5] ; c’est également sous les auspices des ethnologues que la Négritude formule ses revendications ou crée ses propres espaces de parole, comme la revue Présence Africaine. Si la prise de parole africaine s’inscrit donc dans une prise de conscience des rapports de force et témoigne d’une évidente conception dialogique du discours, l’énonciation africaniste n’en continuera pas moins d’ignorer longtemps ses conditions de possibilité, manifestant un point de vue monologique qui comporte de nombreux angles morts. Elle est d’abord fondamentalement aveugle à son propre contexte de production : quand des Africains sont envoyés en France en tant que « figurants » de l’Exposition Coloniale, l’ethnologie française inaugure sa pratique du terrain avec la mission Dakar-Djibouti (1931-1933) ; installée de fait dans une incontournable « situation coloniale », c’est pourtant en éludant cette dernière qu’elle s’engage dans la quête d’une Afrique primordiale et pure de toute influence européenne ; quant à l’anthropologie économique et sociale britannique, c’est comme auxiliaire de la politique coloniale qu’elle se cherche une légitimation[6]. L’Africanisme est également aveugle à ses propres modalités énonciatives : il repose en effet sur une division inégale de la production scientifique entre informateurs indigènes et théoriciens occidentaux, et participe dans sa formulation à un double effacement : « l’observation participante » de Malinowski ou la « vision panoptique » de Griaule négligent l’influence de la présence européenne sur les comportements observés, et gomment par ailleurs le rôle de l’interprète et de l’échange dialogique inhérents à la collecte des informations, au profit de la seule autorité de l’ethnographe et de son activité de reconstruction. Se développe ainsi une « raison ethnologique » qui procèdent à des classifications arbitraires et des simplifications abusives[7] : les « ethnies » sont pensées en vases clos et coupées de toute dynamique historique, dans le même temps qu’elles constituent, par synecdoque, un accès privilégié à l’Africanité, et donc autant d’hypostases d’un type idéal — « l’homme noir ». Tous ces procédés culminent avec l’intérêt porté aux systèmes de pensée et de croyance : parlant au nom des « vrais Africains » contre « les évolués », l’Européen élève des cosmogonies au rang de « sophies » ou bien exhume des langues africaines d’harmonieuses visions du monde[8]. Face à un savoir africaniste qui relève d’un exercice individuel de la rigueur scientifique et se réclame d’une démarche rationaliste, le savoir africain est construit comme un impensé collectif qui s’enracine prioritairement dans une sensibilité religieuse. Des penseurs africains dénonceront par la suite cette invention d’une « ethnophilosophie », mais les travaux les plus contemporains, qui recherchent dans les langues africaines des schèmes conceptuels ou des épistémologies implicites révèlent que la pratique de la philosophie en Afrique reste encore largement déterminée par les horizons européens et par les problématiques mises en place par la « raison ethnologique »[9]. Inversement, c’est pour mieux répondre aux exigences des intellectuels noirs et aux besoins des peuples africains qu’à la suite de M. Leiris et de G. Balandier, les Africanistes européens s’engageront dans une approche plus dynamique des sociétés et pour une africanisation des sciences sociales[10].

 Le monopole de la science et ses limites

On peut repérer une même relation unilatérale, sinon une semblable influence de la situation coloniale dans les pratiques des sciences « exactes ». En tant que milieu tropical, l’Afrique fait cette fois l’objet d’un inventaire qui permet aux sciences exotiques puis coloniales de devenir une partie intégrante de la science moderne. Dans cette activité, on retrouve une division inégalitaire du travail scientifique : la métropole interprète tandis que la colonie collecte les données ; les Européens se réservent les laboratoires et les assistants indigènes sont cantonnés aux terrains locaux. Domaine privilégié de sciences particulières, l’Afrique est également terrain d’expérimentation pour le développement des sciences appliquées et champ d’intervention pour les sciences générales, qui sont à compter des années trente sollicitées comme autant de « pouvoir-faire » dans les politiques de la « mise en valeur », ou qui subordonnent elles-mêmes leur légitimation et leur utilité aux arguments colonialistes de « l’oeuvre de civilisation » et de « mission humanitaire ». C’est dans ce contexte, et aux fins explicites d’« orienter, coordonner et contrôler la recherche » que sont créés des instituts spécialisés, notamment l’Office de la Recherche Scientifique Coloniale en 1942, préfiguration de l’ORSTOM[11]. Sans dénier l’utilité et l’efficacité démontrées par les recherches scientifiques appliquées à l’Afrique, notamment en matière d’exploitation des ressources ou de développement des services (alimentation, santé), il convient d’en souligner les limites structurelles, sinon les conséquences néfastes. La tribulation du savoir profite surtout à l’Europe, et s’opère essentiellement comme un transfert de techniques ; son élaboration et son application s’établissent dans l’ignorance ou la dévalorisation des pratiques et des connaissances locales, et la modernisation de ces dernières s’envisage avant tout comme une occidentalisation. On aboutit ainsi à des clivages rigides, tels ceux qui opposent, dans les esprits et les discours, recherche fondamentale et recherches appliquées, science et sciences du développement, sciences modernes et savoirs traditionnels, techno-science et ethnoscience — autant de dichotomies conceptuelles qui recoupent les hiérarchies politico-économiques entre centre et périphérie, Nord et Sud. Depuis les années 80, des penseurs africains se sont donc engagés dans une analyse des formes diverses de la dépendance et de l’extraversion (économique, théorique), au travers notamment d’une critique de « l’ethnoscience », notion qui leur apparaît d’autant plus douteuse qu’elle désigne indifféremment l’application particularisante de disciplines européennes aux réalités africaines (ethnolinguistique, ethnodémographie), ou l’inventaire et la formalisation par les occidentaux de savoirs locaux (ethnobotanique, ethnozoologie, etc.). Mais les solutions envisagées pour développer une autonomie scientifique et une recherche auto-centrée ne sont pas sans poser elles-mêmes des problèmes : pour être nécessaire, la « réappropriation critique » de savoirs « endogènes » orchestrée par P. Hountondji contient également des implications puristes et nationalistes qui, loin de « démarginaliser », peuvent renforcer la ghettoisation et le cantonnement des scientifiques africains au local[12] ; quant à la stratégie parallèle d’« appropriation de tout le savoir utile dans le monde », elle nécessite au préalable une réflexion approfondie sur les conditions qualitatives d’une transmission réussie : or, qu’il s’agisse du niveau scolaire, de l’articulation à des savoirs préexistants ou de la mobilisation des capacités sociales, des travaux récents ont montré tout à la fois le rôle positif de l’ethnoéducation et la nécessité d’une approche plus systémique des savoirs importés[13]. 

 Redistribution et partage du savoir : l’intelligence métisse

 Ce rapide survol autorise un constat majeur, qui ouvre alors de nouveaux horizons. Les disciplines scientifiques s’avèrent insérées dans des contextes de production, et leurs bases cognitives façonnées par des postulats, des valeurs et des intérêts locaux : mais cette relativité historique et culturelle — qui fait que la science moderne s’apparente elle-même à une « ethnoscience », n’anéantit nullement la possibilité d’une connaissance des régularités de la nature ou des phénomènes sociaux ; au contraire, elle la favorise par l’investigation renforcée de domaines de prédilection[14]. La manifeste validité universelle de la production scientifique doit donc également se mesurer à l’aune des orientations divergentes données aux recherches, et en fonction de « styles de science » différents générés par les divers contextes, modes d’organisation sociale et besoins pratiques des sociétés humaines[15]. La multiplicité des épistémologies implique dès lors trois actions complémentaires :

1. Une pratique critique et réflexive : les travaux des historiens, des sociologues et des épistémologues permettent une meilleure compréhension des changements de paradigmes scientifiques, et notamment du rôle déterminant des études africaines dans la transformation des sciences humaines et sociales[16].

2. Une pratique comparatiste : dans le même temps qu’elles montrent comment les sciences modernes ont incorporé des connaissances non-européennes, l’histoire transculturelle et l’approche transversale et interdisciplinaire des savoirs laissent mieux appréhender comment des modes de connaissances acquièrent une plus grande validité ou deviennent des outils conceptuels pertinents dans de plus vastes champs. Cela revient à restaurer la primauté du savoir métis, notion qu’il faut entendre de deux manières : comme un décloisonnement et une hybridation des épistémologies[17], mais aussi comme la réhabilitation du savoir pratique, informel, enraciné dans l’expérience locale, et souvent plus efficace que le savoir épistémique abstrait et général mis en oeuvre par un Etat et ses agents techniques[18].

 

3. Une finalité sociale : face aux dangers actuels d’un Nord qui n’aurait « plus besoin du Sud », d’une privatisation croissante du savoir et du financement de la recherche, voire d’un discrédit des sciences par leurs usages et leurs conséquences humaines ou environnementales, il importe de reconstruire leur place et leur rôle dans et entre les sociétés, en privilégiant les dynamiques de coopération et de réciprocité[19].

 


[1]Sur tout cela, cf F. Hartog : Le Miroir d’Hérodote, essai sur la représentation de l’autre, Paris, Gallimard, 1980 ; G. Lenclud : « Quand voir, c’est reconnaître, Les récits de voyage et le regard anthropologique », in Enquête n°1, Les terrains de l’enquête, Marseille, Parenthèses, 1995, p.113-129 ; F-X. Fauvelle : L’Invention du Hottentot, Histoire du regard occidental sur les Khoisan XV-XIX siècle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002 ; Ch. Miller : Blank Darkness, Africanist Discourse in French, Chicago, University of Chicago Press, 1985 ; V.Y. Mudimbe : The Invention of Africa, Bloomington, Indiana University Press, 1988 & The Idea of Africa, Bloomington, Indiana University Press, 1994.

[2] C. Hilliard (ed) : Intellectual Traditions of Pre-Colonial Africa, Boston, McGrawHill, 1998 ; Paul Edwards (ed) : The Life of Olaudah Equiano, Harlow, Longman, 1988.

[3] Coll. : Zoos Humains, Paris, La Découverte, 2002 ; Coll. : « Zoos Humains, Villages Noirs », L’ethnographie n°2, été 2003 , F-X. Fauvelle : « Les tribulations de la Vénus Hottentote », L’Histoire n°273, 2003, pp.79-83.

[4] A. Piriou & E. Sibeud (eds) : L’Africanisme en questions, Paris, Centre d’Etudes Africaines/EHESS, 1997 ; J-L. Amselle & E.Sibeud (eds) : Maurice Delafosse, entre orientalisme et ethnographie, l’itinéraire d’un Africaniste, Paris, Maisonneuve & Larose, 1998 ; B. Mouralis, A. Piriou & R. Fonkoua (eds) : Robert Delavignette, savant et politique, Paris, Khartala, 2003.

[5] F. Manchuelle : « Assimilés ou Patriotes africains ? Naissance du nationalisme culturel en Afrique française (1853-1931) », Cahiers d’Etudes Africaines, n°138-139, 1995, p.333-368 ; Kusum Aggarwal : Ahmadou Hampâté Bâ et l’Africanisme, Paris, L’Harmattan, 1999.

[6] A. Kuper : Anthropology and Anthropologists [1973] ; New York, Routledge, 1996 ; G. Leclerc, Anthropologie et colonialisme, Paris, Fayard, 1972 ; J. Copans : Critiques et Politiques de l’Anthropologie, Paris, F. Maspéro, 1974.

[7] Amselle & M’Bokolo (eds) : Au coeur de l’ethnie, Paris, La Découverte, 1985 ; Amselle : Logiques métisses, Paris, Payot, 1990.

[8] cf M. Griaule : Dieu d’eau, entretiens avec Ogotemmêli, Paris, Fayard, 1966; R.P. Tempels : La Philosophie Bantoue, Paris, Présence Africaine, 1949 ; B. de l’Estoile : « Au nom des ‘‘vrais Africains’’, les élites scolarisées de l’Afrique coloniale face à l’anthropologie (1930-1950) », Terrain n°28, 1997, p.87-102.

[9] On peut relever chez les philosophes africains une certaine transposition des traditions intellectuelles européennes : les penseurs francophones (et notamment Hountondji et Towa, tous deux agrégés de l’université française) se spécialisent dans la critique de « l’ethnophilosophie », tandis que les penseurs anglophones développent une pratique dialogique de « l’analyse conceptuelle » et de l’exposition de « sagesses individuelles » : cf K. Gyekye : African Philosophical Thought, the Akan Conceptual Scheme (1987, Temple University Press, 1995) ; B. Hallen & J.O. Sodipo : Knowledge, Belief, Witchcraft (1986 ; Stanford University Press, 1997) ; H. Odera Oruka (ed) : Sage Philosophy, Indigenous Thinkers and Modern Debate in African Philosophy, Leiden, E.J. Brills, 1990.

[10] Voir Leiris : « l’ethnographie devant le colonialisme » [1950], in Cinq Etudes d’Ethnologie, Paris, Gonthier, 1969 ; Copans : La longue marche de la modernité africaine, Paris, Khartala, 1990 ; Balandier : Civilisés, dit-on, Paris, PUF, 2003.

[11] Sur tout cela, voir A. Sarraut : La mise en valeur des Colonies, Paris, Payot, 1923 ; Ch. Bonneuil : Des Savants pour l’empire : la structuration des recherches scientifiques coloniales, Paris, ORSTOM, 1991 ; P.Petitjean (ed) : Les Sciences coloniales, figures et institutions & Y.Chatelin, Ch. Bonneuil (eds) : Nature et environnement, volumes 2 & 3 in R. Waast (dir) : Les Sciences hors d’Occident au XX siècle, Paris, ORSTOM, 1995-1996.

[12] Les savoirs endogènes, Dakar, Codesria, 1994 ; « Au-delà de l’ethnoscience », Notre Librairie n°144, 2001, pp.58-65.

[13] cf A. Cauty : « l’ethno-éducation en Colombie » ; J. Lopes : « l’éducation scientifique », J. Rufier : « Savoirs, cultures et stratégies de communication dans les transferts de technologies », in M. Barrère (ed) : Sciences et Développement, Les Sciences hors d’Occident au Xxe siècle, vol.5, op.cit.

[14] Cf la réflexion exemplaire de l’épistémologue S. Harding sur la tribalisation du savoir : « La science moderne est-elle une ethnoscience ? », in R. Waast (ed) : Les Sciences au Sud : état des lieux, Les Sciences hors d’Occident, vol.6.

[15] R. Waast : « Introduction », ibid. ; J. Needham : La Science chinoise et l’Occident, Paris, Seuil, 1977.

[16] R. Bates, V.Y. Mudimbe, J. O’Barr (eds) : Africa and the Disciplines, The Contributions of Research in Africa to the Social Sciences and Humanities, Chicago, Chicago University Press, 1993 ; P.T. Zeleza : Manufacturing African Studies and Crises, Dakar, Codesria, 1997 ; W.G. Martin & M.O. West (eds) : Out of One, Many Africas, Reconstructing the Study and Meaning of Africa, Chicago, University of Illinois Press, 1999.

[17] J.L.Amselle : Logiques métisses, op.cit. ; Coll. : La pensée métisse, croyances africaines et rationalité occidentale en questions, Paris, PUF, 1990 ; R. Waast : « Introduction », op.cit..

[18] cf M. Detienne & J-P. Vernant : Les ruses d’intelligence, la métis des Grecs, Paris, Flammarion, 1974 ; J.C. Scott : Seeing like a State, How Certain Schemes to improve the Human Condition have failed, New Haven, Yale University Press, 1998. L’intelligence de la métis, incarnée par Ulysse, c’est une capacité de prévision qui tient compte du contexte environnant, et qui s’exerce en priorité dans les situations déconcertantes ou ne se prêtant pas à un calcul exact ni à la rigueur logique. Enfin, elle ne peut s’enseigner en dehors de la pratique elle-même, et il reste difficile d’expliquer pourquoi et comment elle est alors plus opérationnelle que le savoir abstrait. C’est une « opinion droite », comme l’usage des paysans africains utilisant la rivalité des fourmis rouges et noires pour protéger la récolte de mangues, ou celui des cultivateurs Indiens du Nouveau Monde, qui prescrivaient de ne planter le maïs que « lorsque les feuilles du chêne ont la taille d’une oreille d’écureuil » — paramètre d’autant plus flexible qu’il jouait dans son efficacité de la diversité des expèces et des latitudes.

[19] Voir J. Gaillard (ed) : Coopérations Scientifiques Internationales, Les Sciences Hors d’Occident, vol. 7 ; G. Balandier : « Science transférée, science partagée » in R. Waast (ed) : Les Sciences hors d’Occident, vol.1 ; Civilisés, dit-on, op.cit. ; Martine Barrère : « Chercheurs et citoyens. Science et société : quelle raison partager ? », Les Sciences horss d’Occident, vol.



 

                                        
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