Denise Coussy,
Littératures de l’Afrique anglophone,
Aix en Provence, Edisud, collection les Ecritures du Sud, 2007 ; ISBN
978.2.7449.0763-6, 160 pages,
19€
Vouloir procéder
à un recensement systématique de l’énorme production des littératures de l’Afrique
anglophone en un texte de 154 pages tient de la gageure. Denise Coussy relève
ce défi. Nous ne cessons de nous déplacer dans le temps, depuis les débuts
de cette abondante littérature, et dans
l’espace, en passant d’un pays à l’autre car chacun d’entre eux a son histoire
et ses spécificités culturelles (Nigéria, Ghana, Kenya, Zimbabwe, Zambie,
Ouganda, etc…). Dans une première partie, l’auteur revient sur cet univers
pré-colonial qui s’effondre peu à peu sous la poussée de l’homme blanc, ce qui provoque
un effritement du monde rural et de ses valeurs (Achebe), l’émergence d’un
contentieux colonial (Ngugi), et déjà, un appel à une Afrique plus ou moins
mythique (Tutuola, Okara). Après quoi, elle va s’enfoncer dans une période plus
récente où domine la description de la jungle urbaine, la dénonciation
satirique de lendemains qui déchantent, et où l’on retrouve quelques-uns des
auteurs cités : les recoupements sont inévitables. Elle signale « la capacité de la littérature
africaine à oublier le sempiternel contentieux colonial et à mettre en scène le
présent et le devenir de l’Afrique contemporaine » (p 41). Dans une
troisième partie, « les chemins de la lberté », elle donne la parole
aux femmes (de F.Nwapa à T.Dangarembga) et aux poètes (K.Awoonor ou T.l.
Liyong), ainsi qu’au théâtre qui allie une dramaturgie ancestrale à des formes
militantes (Soyinka, Omotoso). Denise Coussy consacre ensuite un chapitre bien
charpenté aux productions sud-africaines, ce qui se justifie par une situation
bien particulière, qu’il s’agisse de l’apartheid ou de la période qui lui a
fait suite. Et si elle sépare les écrivains blancs de leurs homologues
africains ou métis (de Brink à Mphahlele ou La Guma), dans un dernier temps, à
propos de la poésie, elle les confronte de sorte que Breytenbach se retrouve en
compagnie de O.Mtshali ou M.Kunene, ce qui dit bien une difficulté d’analyse.
Dans une quatrième et dernière partie, elle s’attarde sur le renouvellement
esthétique de ces écritures si diverses. Elle constate alors « un désir de modernisation (…) les
composantes traditionnelles de l’expression africaine s’enrichissent avec
bonheur des expérimentations de la littérature internationale » (p
119). L’exil, en ce domaine (ce qui était souvent le cas pour l’Afrique
australe) facilite la prise de distances, et une tendance (Ben Okri) à « privilégier l’irréel par rapport au
réel » (p 125), ce qui nous vaut de bonnes pages sur N.Farah ou
J.Mahjoub.
Tout au long de
cette étude fouillée, abondant en résumés et citations, son auteur tente de
nous montrer en quoi et comment ces littératures encore trop mal connues en
France, n’ont cessé de s’adosser à des formes issues d’une antique tradition
orale qui viennent bousculer un accès à la modernité, tant et si bien qu’elles
nous proposent, par rapport à la francophonie, « une problématique littéraire nettement plus indépendante »
(p 152), avec un recours beaucoup plus fréquent à des métissages culturels et à
« une africanisation du
discours ». On termine tout cela par une bibliographie des ouvrages
critiques publiés en France, et 50 titres de livres traduits. Le lecteur a
ainsi entre les mains un guide de lecture très efficace.
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