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Mattly Oyane Methogo                                                 
  

Les nouveaux mondes africains d'Ernest Psichari

  

   Dans l’imagologie psicharienne, l’Afrique apparaît comme un nouveau monde dont l’expédition du Haut-Logone serait le moment de découverte. Les espaces africains, chez Ernest Psichari sont aussi bien physiques, fictifs qu’intérieurs. De la mission Lenfant au Haut-Logone, il ressort un roman, des carnets de route, des comptes rendus et des correspondances. Chaque support présente les mondes découverts selon son mode de fonctionnement. Les nouveaux mondes africains, quoi que sensés se référer à la même réalité, déclinent toute une palette de mondes. Ces mondes sont présentés sous différents angles et jouent divers rôles. Mais pour mieux les nuancer, il nous semble qu’il ne soit pas fondé de les placer dans un bassin bordé par le Moyen-Congo, l’Oubangui-Chari et le Tchad, à l’intersection de trois des quatre régions qui formaient l’AEF. Car c’est, officiellement, la région explorée par la mission. En effet, de 1882 à 1960, l’AEF « s’étendait en latitude du 5° degré sud au 23° degré 23’30’’ nord (Tropique du cancer), soit plus de 3.200 kilomètres. En longitude, elle allait du 6° 18’’ à l’ouest au 25° 15’’ à l’est, soit 2.105 kilomètres (Méridien-est de Paris), 3.200 kilomètres du sud au nord, 2.105 kilomètres de l’ouest à l’est[1]. » L’AEF, étalée sur 2.538.445 kilomètres carrés, se divisait en deux blocs : d’une part le Gabon et le Moyen-Congo ; d’autre part l’Oubangui-Chari et le Tchad. Le premier bloc était au sud tandis que le second se situait au nord de la colonie.

Dans cette disposition géographique, le Haut-Logone ne correspond à aucune des régions. Il n’est même pas un village. Mais en suivant les pas de Psichari, il ressort une carte à cheval sur différents circonscriptions telles qu’elles seront désignées par l’arrêté du 20 août 1904[2] . Le Haut-Logone s’étale donc sur : Ouesso, une subdivision de la circonscription de la Sangha, la circonscription des Bayas avec Carnot, Nola et Gaza. À ces circonscriptions il faut rajouter celle des Yanghérés. Mais en prenant en compte le nom Logone, nous quittons le Congo pour le Tchad. L’itinéraire conduit à Laï, à M’béré, Mambéré, Pendé, Yadé et va jusqu’à Binder. Comment ces nouveaux mondes sont-ils (re)présentés ? Quelle est en est la portée esthétique ?

 

Présentation des nouveaux mondes

 

Le monde présenté est celui que le militaire consigne dans ses carnets et qui fera l’objet d’un compte-rendu officiel. C’est justement dans les Carnets de route[3] que le lecteur le retrouve. Ce monde, non baptisé au départ, deviendra Haut-Logone. Pour Jacques Serre, « c’est à partir de Carnot (4degré de latitude N.) que la mission Lenfant va commencer réellement les études qu’elle est venue entreprendre et qui doivent aboutir à reconnaître et à cartographier la zone comprise entre le 6e et le 10e degré[4] ». Il s’agit du Haut-Logone dont les coordonnées[5] sont : 13° et 15° longitude ; 10° et 18° latitude. Le pays a pour principaux fleuves la Nana, le Logone et la Penndé. À partir de la carte qui en ressort, on dira que la porte d’entrée de ce monde est Ouesso. Le 14parallèle semble être la médiane autour et le long de laquelle se construit ce monde. Au-delà de la porte d’entrée, le voyageur traverse N’Gombo à trois kilomètres de la Nana. Ici on voit la ligne de partage entre les eaux de la Nana et de la Mambéré. Le Haut-Logone est un pays de hautes collines, de prairies vertes et d’herbes jaunies par le soleil. Il est arrosé par Limba, le rapide torrent aux quatorze affluents.

Ce monde est peuplé de Bayas, de Lakkas, de M’Bomu, de Yanghéré, Boukongos. Il s’agit d’anciens civilisés tombés dans la dégénérescence[6]. C’est une population qui a « les vices du dégénéré [à savoir :] l’ivrognerie ; l’amour du « dolo[7] » [...] ; l’exaltation du dolo qui donne la possibilité d’oublier un instant la terre et ses misères[8] » est ancrée dans la culture du pays. Le peuple baya est, d’une part, le résultat du mélange d’un mimétisme du musulman et du blanc. D’autre part, il se distingue d’eux. Pour Ernest Psichari, l’impression indéfinissable que font ces gens sur les étrangers en fait des hommes inconnus. Ils ne sont ni sauvages ni primitifs, « ils ont une expression [peu][9] humaine, mais humaine tout de même[10]. » Mais le maréchal tient à signifier que le « noir »’ est craintif et doux. Il souligne d’ailleurs qu’il « insiste sur le mot “doux” qui, à [s]on avis, s’applique aux Bayas[11] ». Au village de Boudo, les populations rencontrées lui donne « encore une fois le sentiment d’une race d’artiste, inapte à l’effort, faite pour le chant, la danse et le farniente »[12] .

La cartographie des nouveaux mondes que dessinent les carnets de Psichari présente aussi la faune des lieux. Le lecteur découvre des animaux “exotiques”. Il y a le lion qui ne pousse son cri que lorsqu’il saute sur proie. « Mais quand il est en chasse, il pousse un grognement continu très profond[13] » et « à cause de lui, des villages ont été désertés[14] ». Les notes du soldat font aussi mention de l’hyène, dont la force est surprenante : « Le cou est aussi gros que la tête ; les muscles cervicaux et maxillaires aussi forts que le pouce de l’homme[15]. » Tout comme avec le lion, la description de cet animal est motivée par sa nuisance. Elle enlève les enfants et le bétail. « À Léré, le troupeau est enfermé la nuit dans une zériba de deux mètres de haut. L’hyène, plus de deux fois, a sauté dans la zériba et en est sortie avec un veau entier dans sa gueule[16]. » Si Ernest Psichari consigne des informations au sujet du rhino et de l’hippopotame, c’est parce qu’ils sont dangereux et difficiles à vaincre. « Le rhino, comme l’éléphant, n’a pas peur du feu et charge dessus[17]. » L’hippopotame, quant lui, occupe les lacs « en troupeaux imposants et dangereux[18]».

Les Carnets présentent des mondes inconnus, « étranges et divers[19] ». Les animaux familiers sont différents : le canard sauvage est très gros, l’aigrette étincelante. Au Haut- Logone, les animaux sont « tels que l’on en rencontre dans les vieilles estampes japonaises[20]». Le lieutenant parle également du margouillat, du gekko, de l’antilope, de la gazelle, de l’autruche, du chien. Les deux premiers animaux cités sont évoqués dans le but de les distinguer l’un de l’autre parce que « le gekko que l’on reconnaît aux petites boules qu’il porte aux extrémités est très redoutés des indigènes[21]. » Les antilopes et les gazelles servent de gibier aux voyageurs. Il en est de même des autruches dont il suggère l’élevage pour sa chair[22]. S’il parle du chien, c’est parce qu’il le trouve « petit et peu racé[23]» et que, dans cet état, il ne peut être un chien de garde excellent et vigilant. Or il est sûr que ce chien peut être d’une grande utilité s’il est amélioré. Il suffit, pour cela, de le nourrir et de le soigner[24]. Le caméléon est l’un des animaux que Psichari découvre en Afrique. Aussi gros qu’un lézard, « c’est l’animal le plus étrange et le plus grotesque qui soit[25]. » Les notes, on le voit bien, décrivent les animaux pour contenter la curiosité. Psichari ne focalise pas son attention sur l’exotisme des animaux. Mais les informations sont celles dignes d’un géographe en mission. Ce qui est mis en avant, c’est leur utilité à la connaissance des lieux et au bon déroulement de la mission. Cette approche du milieu ne se limite pas à la seule faune.

Chez les Baghirmiens, Ernest Psichari découvre une autre approche du commerce. Il indique que le commerce est une activité qui occupe la quasi-totalité de la vie de ce peuple. Une activité qui n’est limitée ni dans l’espace ni dans le temps. Les dépenses sont contrôlées à tous les niveaux. Notre auteur est étonné de voir qu’un Baghirmien fait six mois de trajet pour une transaction qui lui rapporte vingt thalers[26] tout au plus, sans dépenser un seul liard[27] pendant tout ce temps[28]. C’est une découverte pour le maréchal car il réalise que ce peuple pratique le commerce tel qu’il ne l’avait jamais vu, voire imaginé. Effectivement, Psichari sait que le commerce, dans son pays, est régi par des lois. Le négoce est limité dans le temps et dans l’espace. En outre, le commerçant français ne saurait se donner autant de mal tel que le fait le Baghirmien. Il en conclura : « Ces gens seront des auxiliaires précieux pour le commerçant qui viendra à Laï. Précieux et, pour ainsi dire, indispensables, car quel Européen pourrait faire ce qu’ils font[29] ?» À ce niveau, on remarque que si le système d’échange en usage dans ce monde attire son attention, c’est à cause de sa capacité à intégrer le projet colonial et à le servir. En tant que soldat, et en mission géographique, la description du commerce est faite selon le mode de fonctionnement du support qui en sera le média.

Au Haut-Logone, Psichari découvre « La métaphysique des Massas[30] » . Elle infirme ses connaissances sur les « noirs ». En effet, le lieutenant remarque que, quoique croyant, ce peuple n’est pas adorateur. « Les Massas n’adorent rien et n’ont pas de fétiches. Ils ont deux croyances fondamentales : l’existence d’un dieu qu’ils identifient avec le tonnerre ; l’immortalité de l’âme[31]. » Toutefois, il reconnaît que la croyance en l’immortalité de l’âme, quoique « profonde » chez les Massas, ne leur est pas spécifique; mais qu’elle est plutôt universelle. La métaphysique massa intrigue par le rapport du peuple avec ses morts. « Aux fêtes des morts, on apporte au pied des tombes des vivres destinés aux ombres. Ils ont bien le vieux dogme socratique : le corps meurt, l’âme ne meurt point[32]. » Son système judiciaire est sous-tendu par cette métaphysique. Seuls les sorciers pratiquent le « jugement de Dieu[33] » . Mais ils ne satisfont jamais les plaignants. Les éléments décrits sont ceux qui ont déjà une réalité dans la société de l’auteur. Mais leur description fonctionne comme indexation de ce qui doit être retenu, vu, entendu, connu. C’est en cela qu’il s’agit d’une présentation. C’est-à-dire une nouvelle présentation. Ce qui n’est pas le cas de la représentation.

 

Représentation des nouveaux mondes

 

Le pays représenté est celui construit par l’imaginaire. Neau-Dufour avait déjà remarqué que chez notre auteur, « bien souvent, l’imaginaire prend le relais pour reconstituer une réalité bien plus effrayante qu’elle ne l’est[34] Les animaux paraissent démesurément gros. On lira, à titre illustratif, dans les carnets ces lignes : « J’ai vu un immense troupeau de cobas. Ils étaient plus gros qu’un bœuf et plus grand qu’un cheval[35]. » On voit là une expression de l’imaginaire du voyageur. Mais une telle présentation ne serait-elle pas la représentation d’une réalité jusque-là inconnue ? Dans tous les cas, on constate que le territoire qui est représenté dans les carnets était « encore largement une terra incognita pour les Européens[36] ». Pour mieux rendre compte des ses/ces mondes, Ernest Psichari délaisse la forme libre des carnets et opte pour le roman. Le territoire qu’il représente part de Laï à Carnot en passant par la vallée de la Penndé, un « fleuve merveilleux, inconnu jusqu’à ce jour, qui s’appelle successivement Kioye, Penné, Bâ et Bandoul, et que certaines cartes désignent sous le nom de Logone oriental[37] » . Il s’agit de Terres de soleil et de sommeil.

Les contours que dessine le roman montrent un monde différent de celui des carnets. Ce monde est essentiellement Baya. Sa porte d’entrée est Bania, un « gros centre[38]». Psichari déclare que l’ « on peut admettre que du 4° parallèle, au Sud, jusqu’au 7e parallèle, au Nord, du 12e degré de longitude Est de Paris, jusqu’au 15e degré, l’on rencontre des Bayas[39]. » Mais cette cartographie présente un monde dont les limites sont floues. Il reconnaîtra d’ailleurs qu’ « il est difficile de dire ce qu’est le pays baya et d’en préciser les limites[40] Terres de soleil et de sommeil est un pays « patchwork ». Un pays à la population « multiethnique », « multiraciale ». Chaque « ethnie » constitue une pièce de l’ensemble. On y retrouve d’anciens nomades pasteurs dont les Bayas et d’autres migrants tels que les Kakas et les Yanghérés. Il y a eu dans ce pays, dit l’auteur, « de si nombreux mouvements de races et de peuples divers, de rencontres ethniques si curieuses, que la place des tribus proprement bayas reste difficile à préciser[41]. » Vu sous un certain angle, le pays décrit a les caractéristiques d’un pays moderne dont le meltingpot est l’un des signes. Il y a une cohabitation des peuples qui, à l’origine, étaient différents. Même si pour Psichari, « il importe de distinguer chez les Bayas deux races très distingues, les Bayas du Sud et les Bayas du Nord qui ne parlent pas la même langue, et n’ont à tous les points de vue que peu de caractères communs[42] », il n’empêche qu’ils ont su développer un vivre ensemble. Ils vivent côte à côte sans se livrer la guerre.

Les pays dont parle le fils de Jean Psichari dans son roman sont nouveaux également par leur histoire. Le lecteur découvre effectivement un pays disparu à la source première mais rétabli dans le bassin du Tchad. Ce pays premier a existé à l’orient de la terre. Car « il ne faut pas oublier que les légendes helléniques les plus anciennes plaçaient à l’orient de la terre le peuple noir des Ethiopiens[43]. » Chez Psichari, les noms des villages qu’il rencontre dans Terres de soleil et de sommeil constituent une expression de la mémoire de ce peuple. Il se souvient d’où il vient et recrée ce pays qu’il a dû quitter par la force des choses. Pour étayer son hypothèse, il fait le rapprochement entre le village de Gougourtha et Jugurtha, ancien numide dont l’hostilité marqua les Romains. Il y aussi « Berbérati, nom d’un autre village dans la même région [de Terres de soleil et de sommeil], qui fait songer aux Berbères ou aux Barbares[44]. » Une autre preuve pour soutenir son assertion est « le Vendidad (le plus vieux livre de la Perse[45]) ». Dans ce livre, les « nègres » sont désignés sous les appellations « Nouby » et « Afryts ». Or pour Gobineau, le premier terme veut dire « l’homme de race noire[46] » tandis que le second « se montre en rapport très direct avec “afer” et “« Africa”[47] ». En dehors des noms, la culture fait partie de ce qui témoigne de la nouveauté des lieux. L’attention du fils de Noémi est retenue par l’initiation à la vie et à l’amour chez les Bayas. Il s’agit du Labi, une école ayant son temps d’apprentissage, ses travaux et ses joies. « Grande fête de la Virginité, coutume charmante où le jeune homme s’initie aux mystères de la vie et de l’amour[48] » , c’est une épreuve qui accoutume l’enfant aux combats de l’existence et à ses périls. Ce qui touche davantage l’écrivain dans cette école, qui est aussi sa beauté, c’est son caractère élitiste. Elle est une sorte d’école de hautes études qui n’admet que « les individus marqués pour perpétuer la race en augmentant sa force et sa vitalité[49]. » Sa capacité à former des gens souples et vigoureux ne le laisse pas indifférent. L’école initie et habitue au courage. Mais cette école d’initiation est dans un monde recréé. Car le Labi trouve ses origines dans des temps immémoriaux. Le romancier dira qu’il s’agit d’un « très vieux rite qui trouve son origine dans une conception très complexe de la vie. Un très vieux rite qui n’est plus, hélas, qu’un de ces menus gestes par qui s’exprime encore un peu du passé d’une race, un peu de ses antérieures destinées[50] ! »

Chez Ernest Psichari, le nouveau monde est celui qui voit l’union des âmes. C’est un monde de dialogue entre les hommes. Longtemps, le narrateur a cherché à rencontrer et donc à retrouver l’âme africaine. Dès l’entame de son récit, alors qu’il navigue encore sur le Congo, il déclare : « Je songeais alors à la difficulté qu’il y a à se faire en Afrique une âme africaine[51]. » Mais il finit par saisir ce qu’il a tant désiré : « le parfum particulier des âmes, et ce qui demeure en elles d’essentiel et d’éternel[52]. » Terres de soleil est le pays qui unit l’humanité. Il fait vivre l’identité de l’amour et de l’amitié, commune à tous les peuples. C’est dans ce pays qu’il réalise que ces hommes qui lui semblaient si étranges lui sont, en réalité, proches. Alors il s’exclame : « Quelle identité dans l’amour et dans l’amitié ! Que leurs consciences nous sont connues et familières[53]. » L’Afrique que représentaient les contemporains de Psichari est un ailleurs foncièrement opposé à leur patrie. Pour certains d’entre eux, les habitants de ce continent étaient des hybrides, mi-hommes mi-animaux. Pour d’autres, l’Africain est Autre en tant qu’il est exclu de la descendance. Mais chez notre auteur, le pays visité ne ressemble pas à cela. Les habitants de Terres de soleil sont des hommes qui posent au nouveau venu la problématique d’altérité. Comme l’indique l’extrait précité, ils ont une conscience connue et familière. Daniel Castillo Durante souligne que d’un point de vue phénoménologique, les termes autre ou autrui désignent un « sujet en chair et en os qui, ne faisant pas partie d’une majorité, voit la représentation de ses spécificités culturelles assujettie à des lois et à des discours qui brouillent les signes d’identité ou, dans des cas extrêmes, cherchent à l’éliminer[54]. » Le monde représenté dans l’œuvre d’Ernest Psichari force les traits et restitue cette identité brouillée par le discours et l’idéologie dominants.

 

                                     CONCLUSION

 

Chez Ernest Psichari on relève, à partir d’une même expérience physique, plusieurs mondes[55]. Les notes de ses carnets donnent à voir un monde : le Haut-Logone. Ici, la cartographie est sommaire. Si les notes de Psichari répondent à une méthodologie des sciences géographiques, on constate qu’elles renferment tout de même une large part de subjectivité. L’écrivain décrit à la fois ce qui est vu et ce qui est perçu. La vue de certains paysages influence la description qu’il en fait. De même les rapports aux populations autochtones ont un impact sur ce qu’il dira de leur lieu de vie et des paysages alentours. Les seuls éléments qui retiennent son attention sont ceux qui satisfont ses attentes ou qui suscitent des émotions et/ou des pensées en lui. Le second pays, fictif, est Terres de soleil et sommeil. C’est un pays d’harmonie non seulement des couleurs, mais aussi des éléments naturels entre eux d’une part ; l’homme avec lui-même d’autre part. Pour que l’harmonie de l’homme avec lui-même ait lieu, il faut l’intervention de la nature. Cette nature n’existant plus dans son pays, les nouveaux mondes africains deviennent alors le lieu «  l’âme se fond dans une béatitude sans égale » tout en étant le média. La re-production romanesque n’est pas ici de l’ordre de la copie fidèle mais un nouvel engendrement du réel à partir de la destruction des anciennes constructions de l’esprit. C’est par là que l’invention du monde prend sens. Ernest Psichari n’a pas attendu le théoricien du Nouveau Roman pour comprendre que dans le rêve, le souvenir et le regard, l’imagination est la force créatrice de la vie, du monde. « Chaque homme, disait Robbe-Grillet, [...] doit réinventer les choses autour de lui. Ce sont les vraies choses, nettes, dures et brillantes, du monde réel. Elles ne renvoient à aucun autre monde[56] ».

 

Bibliographie

 

Simplice-Euloge Lebi, Pour une histoire militaire du Congo-Brazzaville 1882-1992. Problèmes et perspectives de l’administration militaire, Paris, L’Harmattan, 2009.

 J. O. de l’AEF par Martial Merlin.

 Ernest Psichari, Carnets de route, Paris, L’Harmattan, 2008, collection « Autrement mêmes ». présentation de Jean-François Durand.

 Jacques Serre, Explorations au cœur de l’Afrique. Le commandant Lenfant 1865-1923, Paris, L’Harmattan, coll. « racines du présent », 1997.

 Frédérique Neau-Dufour, Ernest Psichari. L’ordre et l’errance, Paris, cerf, 2001.

 Daniel Castillo Durante, Les dépouilles de l’altérité, Québec, XYE éd., 2004.

 Jean-Michel Gouvard, La pragmatique, outil pour l’analyse littéraire, Paris, Armand Colin, 1998.

 Vincent Jouve, La poétique du roman, éds. SEDES, 1997.

 Ernest Psichari, Terres de Soleil et de Sommeil.

 Bernard Mouralis, Les contre-littératures, Paris, PUF, 1975.

 Chateaubriand, Génie du christianisme, première partie, livre V, chap. 12.

 Paul Vennétier, Géographie du Congo-Brazzaville, Paris, Gautier-Villars, 1966.

 Jean Cabot, Les lits du Logone, Cahiers de l’OSTROM.

 Francine Dugast-Portes, Le Nouveau Roman. Une césure dans l’histoire du récit. Une « révolution » littéraire, une autre vision du sujet, du monde et de ses représentations, Paris, Nathan, 2001.

 
Gilles Philippe, Agnès Spiquel & al., Pour un humanisme romanesque, SEDES, 1999.

 Roger-Michel Allemand, Le Nouveau Roman, Paris, ellipses, 1996.

 Virgile, Énéide livres I-IV, Paris, Belles Lettres, 1999, 4e éd., présentation de Jacques Perret.

 Alain Robbe-Grillet, Pour un Nouveau Roman, 1963.

 
carte1 

 

carte2

[1] Lebi, (S. E.), Pour une histoire militaire du Congo-Brazzaville 1882-1992. Problèmes et perspectives de l’administration militaire, Paris, L’Harmattan, 2009, 424 p.

[2] Le commissaire colonel Simplice Euloge Lebi, dans Pour une histoire militaire du Congo-Brazzaville 1882-1992, affirme qu’« en 1909, l’arrêté portant réorganisation de la circonscription du Moyen-Congo indiquait la nouvelle répartition du Moyen-Congo en quatorze circonscriptions, dont onze circonscriptions civiles et trois circonscriptions militaires. » À ce propos, se référer au J. O. de l’AEF par Martial Merlin.

[3] Psichari, (E.), Carnets de route, Paris, L’Harmattan, 2008, collection « Autrement mêmes ». présentation de Jean-François Durand.

[4] Serre, (J.), Explorations au cœur de l’Afrique. Le commandant Lenfant 1865-1923, Paris, L’Harmattan, coll. « racines du présent », 1997, 240 p.

[5] D’après la carte établie par Serre, op. cit. p. 207. Voir annexe.

[6] Psichari, (E.), Carnets, op. cit., p. 89.

[7] Bière de mil.

[8] Psichari, (E.), Carnets, op. cit., p. 89.

[9] Les crochets sont de l’auteur.

[10] Psichari, (E.), Carnets, op. cit., p. 90.

[11] Ibid.,p. 80.

[12] Ibid.,p. 69.

[13] Ibid.,p. 147.

[14] Id.

[15] Id.

[16] Id..

[17] Id.

[18] Id., p. 147.

[19] Ibid., p. 148.

[20] Ibid., p. 148.

[21] Ibid., p. 149.

[22] Id.

[23] Ibid., p. 184.

[24] Ibid., p. 149.

[25] Ibid., p. 149.

[26] Soient entre soixante-quatorze et soixante-dix-huit francs français de cette époque.

[27] Le liard n’avait plus cours au moment de l’expédition. Il serait peut être intéressant de s’interroger sur l’inclinaison de l’auteur à maintenir les traces du passé en tout temps et en tout lieu.

[28] Psichari, (E.), Carnets, op. cit., p. 151.

[29] Ibid., p. 151.

[30] Un des sous-titres de ses notes abordant les « Mœurs » des pays visités. Voire Carnets, op. cit., p. 152.

[31] Id.

[32] Ibid., p.152.

[33] Psichari, (E.), Carnets, op. cit., p. 152.

[34] Neau-Dufour, (F.), op. cit., p. 141.

[35] Psichari, (E.), Carnets, op. cit. p. 148.

[36] Neau-Dufour, (F.), op. cit., p. 136.

[37] Ibid, p. 139-140.

[38] Psichari, (E.), Terres de Soleil et de Sommeil., op. cit., p. 9.

[39] Ibid., p. 9.

[40] Id.

[41] Id.

[42] Ibid., p. 10.

[43] Ibid., p. 252.

[44] Ibid., p. 252.

[45] Ibid., p. 253.

[46] Id.

[47] Id.

[48] Ibid., p. 16.

[49] Ibid., p. 17.

[50] Ibid., p. 18.

[51] Ibid., p. 1-2.

[52] Ibid., p. 40.

[53] Ibid., p. 41.

[54] Castillo Durante, (D.), Les dépouilles de l’altérité, Québec, XYE éd., 2004, p. 15.

[55] Carte n°1 pour le Haut-Logone, carte n°2 pour Terres de soleil et de sommeil.

 

[56] Robbe-Grillet, Pour un Nouveau Roman, cité par Allemand (R.-M.), in Le Nouveau Roman, Paris, ellipses, 1996, p. 37.


 
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