Dans l’imagologie
psicharienne, l’Afrique apparaît comme un nouveau monde dont l’expédition du
Haut-Logone serait le moment de découverte. Les espaces africains, chez Ernest
Psichari sont aussi bien physiques, fictifs qu’intérieurs. De la mission
Lenfant au Haut-Logone, il ressort un roman, des carnets de route, des comptes rendus
et des correspondances. Chaque support présente les mondes découverts selon son
mode de fonctionnement. Les nouveaux mondes africains, quoi que sensés se
référer à la même réalité, déclinent toute une palette de mondes. Ces mondes
sont présentés sous différents angles et jouent divers rôles. Mais pour mieux
les nuancer, il nous semble qu’il ne soit pas fondé de les placer dans un bassin
bordé par le Moyen-Congo, l’Oubangui-Chari et le Tchad, à l’intersection de
trois des quatre régions qui formaient l’AEF. Car c’est, officiellement, la
région explorée par la mission. En effet, de 1882 à 1960, l’AEF « s’étendait
en latitude du 5° degré sud au 23° degré 23’30’’ nord (Tropique du cancer),
soit plus de 3.200 kilomètres. En longitude, elle allait du 6° 18’’ à l’ouest
au 25° 15’’ à l’est, soit 2.105 kilomètres (Méridien-est de Paris), 3.200
kilomètres du sud au nord, 2.105 kilomètres de l’ouest à l’est
. »
L’AEF, étalée sur 2.538.445 kilomètres carrés, se divisait en deux blocs :
d’une part le Gabon et le Moyen-Congo ; d’autre part l’Oubangui-Chari et
le Tchad. Le premier bloc était au sud tandis que le second se situait au nord
de la colonie.
Dans
cette disposition
géographique, le Haut-Logone ne correspond à aucune des
régions. Il n’est même
pas un village. Mais en suivant les pas de Psichari, il ressort une
carte à
cheval sur différents circonscriptions telles qu’elles
seront désignées par l’arrêté
du 20 août 1904
. Le
Haut-Logone s’étale donc sur : Ouesso, une
subdivision de la
circonscription de la Sangha, la circonscription des Bayas avec Carnot,
Nola et
Gaza. À ces circonscriptions il faut rajouter celle des
Yanghérés. Mais en prenant
en compte le nom Logone, nous quittons le Congo pour le Tchad.
L’itinéraire
conduit à Laï, à M’béré,
Mambéré, Pendé, Yadé et va
jusqu’à Binder. Comment ces
nouveaux mondes sont-ils (re)présentés ? Quelle est en
est la portée esthétique ?
Présentation des
nouveaux mondes
Le monde présenté est celui
que le militaire consigne dans ses carnets et qui fera l’objet d’un
compte-rendu officiel. C’est justement dans les Carnets de route
que le lecteur le retrouve. Ce monde, non baptisé au départ, deviendra Haut-Logone.
Pour Jacques Serre, « c’est à partir de Carnot (4e degré
de latitude N.) que la mission Lenfant va commencer réellement les études
qu’elle est venue entreprendre et qui doivent aboutir à reconnaître et à
cartographier la zone comprise entre le 6e et le 10e
degré ».
Il s’agit du Haut-Logone dont les coordonnées sont :
13° et 15° longitude ; 10° et 18° latitude. Le pays a pour principaux
fleuves la Nana, le Logone et la Penndé. À partir de la carte qui en ressort,
on dira que la porte d’entrée de ce monde est Ouesso. Le 14e parallèle
semble être la médiane autour et le long de laquelle se construit ce monde.
Au-delà de la porte d’entrée, le voyageur traverse N’Gombo à trois kilomètres
de la Nana. Ici on voit la ligne de partage entre les eaux de la Nana et de la
Mambéré. Le Haut-Logone est un pays de hautes collines, de prairies vertes et d’herbes
jaunies par le soleil. Il est arrosé par Limba, le rapide torrent aux quatorze
affluents.
Ce monde est peuplé de
Bayas, de Lakkas, de M’Bomu, de Yanghéré, Boukongos. Il s’agit d’anciens
civilisés tombés dans la dégénérescence.
C’est
une population qui a « les vices du
dégénéré [à savoir :]
l’ivrognerie ;
l’amour du « dolo » [...] ;
l’exaltation du dolo qui donne la possibilité d’oublier un instant la terre et
ses misères » est ancrée dans la
culture du pays. Le peuple baya est, d’une part, le résultat du mélange d’un
mimétisme du musulman et du blanc. D’autre part, il se distingue d’eux. Pour
Ernest Psichari, l’impression indéfinissable que font ces gens sur les
étrangers en fait des hommes inconnus. Ils ne sont ni sauvages ni primitifs, « ils
ont une expression [peu] humaine,
mais humaine tout de même. »
Mais le maréchal tient à signifier que le « noir »’ est craintif et
doux. Il souligne d’ailleurs qu’il « insiste sur le mot “doux” qui, à
[s]on avis, s’applique aux Bayas ».
Au village de Boudo, les populations rencontrées lui donne « encore une
fois le sentiment d’une race d’artiste, inapte à l’effort, faite pour le chant,
la danse et le farniente » .
La cartographie des nouveaux
mondes que dessinent les carnets de Psichari présente aussi la faune des lieux.
Le lecteur découvre des animaux “exotiques”. Il y a le lion qui ne pousse son
cri que lorsqu’il saute sur proie. « Mais quand il est en chasse, il
pousse un grognement continu très profond »
et « à cause de lui, des villages ont été désertés ».
Les notes du soldat font aussi mention de l’hyène, dont la force est surprenante :
« Le cou est aussi gros que la tête ; les muscles cervicaux et
maxillaires aussi forts que le pouce de l’homme. »
Tout comme avec le lion, la description de cet animal est motivée par sa
nuisance. Elle enlève les enfants et le bétail. « À Léré, le troupeau est
enfermé la nuit dans une zériba de deux mètres de haut. L’hyène, plus de deux
fois, a sauté dans la zériba et en est sortie avec un veau entier dans sa
gueule. »
Si Ernest Psichari consigne des informations au sujet du rhino et de l’hippopotame,
c’est parce qu’ils sont dangereux et difficiles à vaincre. « Le rhino, comme
l’éléphant, n’a pas peur du feu et charge dessus. »
L’hippopotame, quant lui, occupe les lacs « en troupeaux imposants et
dangereux».
Les Carnets présentent des mondes inconnus, « étranges
et divers ». Les animaux
familiers sont différents : le canard sauvage est très gros, l’aigrette
étincelante. Au Haut- Logone, les animaux sont « tels que l’on en
rencontre dans les vieilles estampes japonaises». Le
lieutenant parle également du margouillat, du gekko, de l’antilope, de la
gazelle, de l’autruche, du chien. Les deux premiers animaux cités sont évoqués
dans le but de les distinguer l’un de l’autre parce que « le gekko que l’on
reconnaît aux petites boules qu’il porte aux extrémités est très redoutés des
indigènes. » Les antilopes et les
gazelles servent de gibier aux voyageurs. Il en est de même des autruches dont
il suggère l’élevage pour sa chair. S’il
parle du chien, c’est parce qu’il le trouve « petit et peu racé» et
que, dans cet état, il ne peut être un chien de garde excellent et vigilant. Or
il est sûr que ce chien peut être d’une grande utilité s’il est amélioré. Il
suffit, pour cela, de le nourrir et de le soigner. Le
caméléon est l’un des animaux que Psichari découvre en Afrique. Aussi gros qu’un
lézard, « c’est l’animal le plus étrange et le plus grotesque qui soit. »
Les notes, on le voit bien, décrivent les animaux pour contenter la curiosité.
Psichari ne focalise pas son attention sur l’exotisme des animaux. Mais les
informations sont celles dignes d’un géographe en mission. Ce qui est mis en
avant, c’est leur utilité à la connaissance des lieux et au bon déroulement de
la mission. Cette approche du milieu ne se limite pas à la seule faune.
Chez les Baghirmiens, Ernest
Psichari découvre une autre approche du commerce. Il indique que le commerce
est une activité qui occupe la quasi-totalité de la vie de ce peuple. Une
activité qui n’est limitée ni dans l’espace ni dans le temps. Les dépenses sont
contrôlées à tous les niveaux. Notre auteur est étonné de voir qu’un Baghirmien
fait six mois de trajet pour une transaction qui lui rapporte vingt thalers tout au
plus, sans dépenser un seul liard pendant
tout ce temps. C’est une découverte pour
le maréchal car il réalise que ce peuple pratique le commerce tel qu’il ne l’avait
jamais vu, voire imaginé. Effectivement, Psichari sait que le commerce, dans
son pays, est régi par des lois. Le négoce est limité dans le temps et dans l’espace.
En outre, le commerçant français ne saurait se donner autant de mal tel que le
fait le Baghirmien. Il en conclura : « Ces gens seront des
auxiliaires précieux pour le commerçant qui viendra à Laï. Précieux et, pour
ainsi dire, indispensables, car quel Européen pourrait faire ce qu’ils font ?»
À ce niveau, on remarque que si le système d’échange en usage dans ce monde
attire son attention, c’est à cause de sa capacité à intégrer le projet
colonial et à le servir. En tant que soldat, et en mission géographique, la
description du commerce est faite selon le mode de fonctionnement du support
qui en sera le média.
Au Haut-Logone, Psichari
découvre « La métaphysique des Massas » . Elle infirme ses connaissances sur
les « noirs ». En effet, le lieutenant remarque que, quoique croyant,
ce peuple n’est pas adorateur. « Les Massas n’adorent rien et n’ont pas de
fétiches. Ils ont deux croyances fondamentales : l’existence d’un dieu qu’ils
identifient avec le tonnerre ; l’immortalité de l’âme. »
Toutefois, il reconnaît que la croyance en
l’immortalité de l’âme, quoique
« profonde »
chez les Massas, ne leur est pas spécifique; mais qu’elle
est plutôt
universelle. La métaphysique massa intrigue par le rapport du
peuple avec ses
morts. « Aux fêtes des morts, on apporte au pied des
tombes des vivres
destinés aux ombres. Ils ont bien le vieux dogme
socratique : le corps
meurt, l’âme ne meurt point. »
Son système judiciaire est sous-tendu par cette métaphysique. Seuls les
sorciers pratiquent le « jugement de Dieu »
. Mais ils ne satisfont jamais les plaignants. Les éléments décrits sont ceux
qui ont déjà une réalité dans la société de l’auteur. Mais leur description
fonctionne comme indexation de ce qui doit être retenu, vu, entendu, connu. C’est
en cela qu’il s’agit d’une présentation. C’est-à-dire une nouvelle
présentation. Ce qui n’est pas le cas de la représentation.
Représentation
des nouveaux mondes
Le pays représenté est celui
construit par l’imaginaire. Neau-Dufour avait déjà remarqué que chez notre
auteur, « bien souvent, l’imaginaire prend le relais pour reconstituer une
réalité bien plus effrayante qu’elle ne l’est.» Les animaux paraissent démesurément
gros. On lira, à titre illustratif, dans les carnets ces lignes : « J’ai
vu un immense troupeau de cobas. Ils étaient plus gros qu’un bœuf et plus grand
qu’un cheval. » On voit là une
expression de l’imaginaire du voyageur. Mais une telle présentation ne
serait-elle pas la représentation d’une réalité jusque-là inconnue ? Dans
tous les cas, on constate que le territoire qui est représenté dans les carnets
était « encore largement une terra
incognita pour les Européens ».
Pour mieux rendre compte des ses/ces mondes, Ernest Psichari délaisse la forme
libre des carnets et opte pour le roman. Le territoire qu’il représente part de
Laï à Carnot en passant par la vallée de la Penndé, un « fleuve
merveilleux, inconnu jusqu’à ce jour, qui s’appelle successivement Kioye,
Penné, Bâ et Bandoul, et que certaines cartes désignent sous le nom de Logone
oriental » . Il s’agit de Terres de soleil et de sommeil.
Les contours que dessine le
roman montrent un monde différent de celui des carnets. Ce monde est
essentiellement Baya. Sa porte d’entrée est Bania, un « gros centre».
Psichari déclare que l’ « on peut admettre que du 4° parallèle, au Sud,
jusqu’au 7e parallèle, au Nord, du 12e degré de longitude Est de Paris,
jusqu’au 15e degré, l’on rencontre des Bayas. » Mais cette cartographie présente un
monde dont les limites sont floues. Il reconnaîtra d’ailleurs qu’ « il est
difficile de dire ce qu’est le pays baya et d’en préciser les limites.» Terres de soleil et de sommeil est un
pays « patchwork ». Un pays à la population « multiethnique »,
« multiraciale ». Chaque « ethnie » constitue une pièce de
l’ensemble. On y retrouve d’anciens nomades pasteurs dont les Bayas et d’autres
migrants tels que les Kakas et les Yanghérés. Il y a eu dans ce pays, dit l’auteur,
« de si nombreux mouvements de races et de peuples divers, de rencontres
ethniques si curieuses, que la place des tribus proprement bayas reste difficile
à préciser. » Vu sous un certain
angle, le pays décrit a les caractéristiques d’un pays moderne dont le meltingpot est l’un des signes. Il y a une
cohabitation des peuples qui, à l’origine, étaient différents. Même si pour
Psichari, « il importe de distinguer chez les Bayas deux races très
distingues, les Bayas du Sud et les Bayas du Nord qui ne parlent pas la même
langue, et n’ont à tous les points de vue que peu de caractères communs »,
il n’empêche qu’ils ont su développer un vivre ensemble. Ils vivent côte à côte
sans se livrer la guerre.
Les pays dont parle le fils de
Jean Psichari dans son roman sont nouveaux également par leur histoire. Le
lecteur découvre effectivement un pays disparu à la source première mais
rétabli dans le bassin du Tchad. Ce pays premier a existé à l’orient de la
terre. Car « il ne faut pas oublier que les légendes helléniques les plus
anciennes plaçaient à l’orient de la terre le peuple noir des Ethiopiens. »
Chez Psichari, les noms des villages qu’il rencontre dans Terres de soleil et de sommeil constituent une expression de la
mémoire de ce peuple. Il se souvient d’où il vient et recrée ce pays qu’il a dû
quitter par la force des choses. Pour étayer son hypothèse, il fait le
rapprochement entre le village de Gougourtha et Jugurtha, ancien numide dont l’hostilité
marqua les Romains. Il y aussi « Berbérati, nom d’un autre village dans la
même région [de Terres de soleil et de sommeil], qui fait songer aux Berbères
ou aux Barbares. » Une autre preuve
pour soutenir son assertion est « le Vendidad
(le plus vieux livre de la Perse) ».
Dans ce livre, les « nègres » sont
désignés sous les appellations
« Nouby »
et « Afryts ». Or pour Gobineau, le premier terme
veut dire « l’homme
de race noire » tandis que le second
« se montre en rapport très direct avec “afer” et “« Africa” ».
En dehors des noms, la culture fait partie de ce qui témoigne de la nouveauté
des lieux. L’attention du fils de Noémi est retenue par l’initiation à la vie
et à l’amour chez les Bayas. Il s’agit du Labi, une école ayant son temps d’apprentissage,
ses travaux et ses joies. « Grande fête de la Virginité, coutume charmante
où le jeune homme s’initie aux mystères de la vie et de l’amour »
, c’est une épreuve qui accoutume l’enfant aux combats de l’existence et à ses
périls. Ce qui touche davantage l’écrivain dans cette école, qui est aussi sa
beauté, c’est son caractère élitiste. Elle est une sorte d’école de hautes
études qui n’admet que « les individus marqués pour perpétuer la race en
augmentant sa force et sa vitalité. »
Sa capacité à former des gens souples et vigoureux ne le laisse pas
indifférent. L’école initie et habitue au courage. Mais cette école d’initiation
est dans un monde recréé. Car le Labi trouve ses origines dans des temps
immémoriaux. Le romancier dira qu’il s’agit d’un « très vieux rite qui
trouve son origine dans une conception très complexe de la vie. Un très vieux
rite qui n’est plus, hélas, qu’un de ces menus gestes par qui s’exprime encore
un peu du passé d’une race, un peu de ses antérieures destinées ! »
Chez Ernest Psichari, le
nouveau monde est celui qui voit l’union des âmes. C’est un monde de dialogue
entre les hommes. Longtemps, le narrateur a cherché à rencontrer et donc à
retrouver l’âme africaine. Dès l’entame de son récit, alors qu’il navigue
encore sur le Congo, il déclare : « Je songeais alors à la difficulté
qu’il y a à se faire en Afrique une âme africaine. »
Mais il finit par saisir ce qu’il a tant désiré : « le parfum
particulier des âmes, et ce qui demeure en elles d’essentiel et d’éternel. »
Terres de soleil est le pays qui unit l’humanité. Il fait vivre l’identité de l’amour
et de l’amitié, commune à tous les peuples. C’est dans ce pays qu’il réalise
que ces hommes qui lui semblaient si étranges lui sont, en réalité, proches.
Alors il s’exclame : « Quelle identité dans l’amour et dans l’amitié !
Que leurs consciences nous sont connues et familières. »
L’Afrique que représentaient les contemporains de Psichari est un ailleurs
foncièrement opposé à leur patrie. Pour certains d’entre eux, les habitants de
ce continent étaient des hybrides, mi-hommes mi-animaux. Pour d’autres, l’Africain
est Autre en tant qu’il est exclu de la descendance. Mais chez notre auteur, le
pays visité ne ressemble pas à cela. Les habitants de Terres de soleil sont des
hommes qui posent au nouveau venu la problématique d’altérité. Comme l’indique
l’extrait précité, ils ont une conscience connue et familière. Daniel Castillo
Durante souligne que d’un point de vue phénoménologique, les termes autre ou
autrui désignent un « sujet en chair et en os qui, ne faisant pas partie d’une
majorité, voit la représentation de ses spécificités culturelles assujettie à
des lois et à des discours qui brouillent les signes d’identité ou, dans des
cas extrêmes, cherchent à l’éliminer. »
Le monde représenté dans l’œuvre d’Ernest Psichari force les traits et restitue
cette identité brouillée par le discours et l’idéologie dominants.
CONCLUSION
Chez Ernest Psichari on
relève, à partir d’une même expérience physique, plusieurs mondes. Les
notes de ses carnets donnent à voir un monde : le Haut-Logone. Ici, la
cartographie est sommaire. Si les notes de Psichari répondent à une
méthodologie des sciences géographiques, on constate qu’elles renferment tout
de même une large part de subjectivité. L’écrivain décrit à la fois ce qui est
vu et ce qui est perçu. La vue de certains paysages influence la description qu’il
en fait. De même les rapports aux populations autochtones ont un impact sur ce
qu’il dira de leur lieu de vie et des paysages alentours. Les seuls éléments
qui retiennent son attention sont ceux qui satisfont ses attentes ou qui
suscitent des émotions et/ou des pensées en lui. Le second pays, fictif, est
Terres de soleil et sommeil. C’est un pays d’harmonie non seulement des
couleurs, mais aussi des éléments naturels entre eux d’une part ; l’homme
avec lui-même d’autre part. Pour que l’harmonie de l’homme avec lui-même ait
lieu, il faut l’intervention de la nature. Cette nature n’existant plus dans
son pays, les nouveaux mondes africains deviennent alors le lieu « où l’âme se fond dans une béatitude sans égale »
tout en étant le média. La re-production romanesque n’est pas ici de l’ordre de
la copie fidèle mais un nouvel engendrement du réel à partir de la destruction
des anciennes constructions de l’esprit. C’est par là que l’invention du monde
prend sens. Ernest Psichari n’a pas attendu le théoricien du Nouveau Roman pour
comprendre que dans le rêve, le souvenir et le regard, l’imagination est la
force créatrice de la vie, du monde. « Chaque homme, disait Robbe-Grillet,
[...] doit réinventer les choses autour de lui. Ce sont les vraies choses,
nettes, dures et brillantes, du monde réel. Elles ne renvoient à aucun autre
monde ».
Bibliographie
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