André Dupeyrat, ou l’épopée de la Mission française de Papouasie-2

Au témoignage de Georges Goyau[1], animateur actif de la Société des Amis des Missions et titulaire du cours d’Histoire des Missions dispensé à l’Institut catholique de Paris, Claudel aurait rencontré Dupeyrat au milieu d’un groupe de missionnaires en 1929, à bord d’un paquebot français qui amenait l’écrivain au Japon. La rencontre aurait laissé, au témoignage de Pierre-Paul Claudel, une trace profonde dans l’esprit de son père[2], comme le confirme d’ailleurs l’allocution que l’auteur de Corona Benignitatis Anni Dei prononça à l’occasion d’une célébration de la Mission de Papouasie en 1947, qui lui fournit le prétexte d’une belle méditation sur le Psaume XXIII, celui de la « conquête catholique », où David offre à Yahvé la terre dans toute sa plénitude et son peuplement[3]. Dans le chapitre XII de 21 ans chez les Papous, qui porte le titre « Hommage papou à Paul Claudel », Dupeyrat fait état du réconfort moral que la lecture du poète lui apporta dans la solitude des immensités sauvages et de la réponse que lui valut, sur une lettre à en-tête de l’ambassade de France à Washington (3 mars 1932)[4] reproduite dans le livre, sa profession de foi claudélienne. En contrepartie de cette magnifique déclaration d’allégeance, Dupeyrat recueillit un jour les confidences du vieil homme — il avait alors 85 ans — qui n’avait pu retenir ses larmes à la pensée du travail accompli par les missionnaires français du Pacifique : lui, en comparaison, n’était qu’un bavard…[5]

[1] Le Christ chez les Papous, Paris, Beauchesne, 1938, p. 131-132. Georges Goyau (1869-1939), surnommé par Lyautey « le saint de l’Académie française », en devint le Secrétaire perpétuel en 1938. François Veuillot lui a consacré une biographie sous le titre Georges Goyau publiciste chrétien, Paris, Lethielleux, 1942.
[2] Lettre à Dupeyrat de Pierre-Paul Claudel, datée du 16 décembre 1961 (MSC).
[3] Paul Claudel, « La mission de Papouasie », Annales de Notre-Dame du Sacré-Cœur, Issoudun, mars-avril 1948, p. 51-52. L’allocution fut prononcée à l’occasion d’une conférence de Mgr. Émile Jean Sorin, nommé vicaire apostolique de Port Moresby en 1946.
[4] Claudel y explicite, une fois de plus, sa conception de la Chrétienté identifiée au corps du Christ, qui n’exclut pas les hommes obscurs, les « pauvres sauvages » abandonnés sur une terre « oubliée » (21 ans chez les Papous, éd. 1953, p. 89-90).
[5] A. Dupeyrat, « Mon ultime visite à Paul Claudel », Ecclesia, février 1961.