Kusum Aggarwal
L'africanisme peut se définir en principe comme le
savoir scientifique que les puissances occidentales tentent de construire au
sujet des peuples et des sociétés de l’Afrique sub-saharienne depuis la
deuxième moitié du XIXè. Sa naissance coïncide avec l’émergence de la
colonisation territoriale qui conduit les pays colonisateurs à participer
directement dans la gestion des colonies en instituant un système de contrôle
administratif. L’impérialisme moderne, comme le dit Hannah Arendt, transforme
la sociologie de l’espace colonial en le rendant accessible à une classe
moyenne métropolitaine appelée à diriger une bureaucratie coloniale. A la
différence des négociants, des traitants ou des colons, pour ces hommes issus
de l’école de Ferry et animés d’un zèle républicain, administrer c’est
connaître.
Avant d’être
un construit méthodologiquement et institutionnellement ordonné, l’africanisme
fut cependant une pratique spontanée et individuelle, plus philosophique que
scientifique, marquée davantage du libéralisme universaliste des Lumières ainsi
que le montre l’œuvre du baron Roger, gouverneur du Sénégal sous la
Restauration. Maillon indispensable de l’africanisme, son œuvre qui comporte
trois textes fondamentaux, Kelédor, histoire africaine (1828), Les
Fables sénégalaises (1828) et Les Recherches philosophiques sur la
langue ouolof (1829), expriment un certain radicalisme africaniste
intensifié d’une volonté de lutter pour l’abolition de la traite et de
l’esclavage et de lutter aussi pour l’expansionnisme colonial.