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Présentation de la société
Les littératures de l'ere coloniale
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Littératures coloniales, littératures d'Empire ?
Jean-François Durand , Université Montpellier III
On assiste
depuis quelques années à un regain d’intérêt pour les littératures coloniales,
comme en témoignent des publications de plus en plus nombreuses 1
qui permettent de mieux mesurer la
richesse et la diversité de textes que l’on avait
jusqu’alors tendance à
identifier à un genre littéraire mort, sans
postérité, et souvent servi par des
talents médiocres et propagandistes. Dans son acception la plus
précise, la
plus technique, la littérature coloniale est étroitement
liée à l’expansion
européenne, et plus particulièrement celle qui marqua la
fin du XIXème
siècle : découpage chronologique qui convient mieux,
il est vrai, à la
deuxième colonisation française, depuis les débuts
de la troisième république jusqu’à
l’apogée de l’entre-deux-guerres lorsque, comme en
écho aux ambitieux projets
de mise en valeur des territoires d’Outre-mer par Albert Sarrault2 , l’on vit des romanciers non dénués de
talent, certains, par leur métier, administrateurs et hauts fonctionnaires de
l’Empire, exposer dans des romans de facture réaliste les profondes
transformations provoquées, surtout en Afrique, par la présence française3 . Jacques Weber résume bien ce problème
de périodisation, en constatant que si « la littérature coloniale est
aussi vieille que la colonisation, le roman colonial proprement dit apparaît
tardivement »4 , et triomphe surtout
entre 1920 et 1940, au moment où l’Empire prend «une place dans la vie des
français qu’il était loin d’occuper avant 1914 »5.
Mais à y regarder de plus près, c’est moins le roman colonial lui-même, si
toutefois on le définit avec la rigueur des
Leblond6 , qui marque profondément
la création romanesque et la littérature d’idées que la thématique impériale
elle-même. Il est en effet évident que la plupart des écrivains français de
l’entre-deux-guerres, sans être toujours personnellement engagés dans le
processus politique de la colonisation, ont abordé dans des œuvres extrêmement
diverses la question coloniale. Ce sont tantôt des essais, des récits de
voyage, tantôt des romans ou des écrits polémiques, qui embrassent d’ailleurs
la totalité des sensibilités politiques de l’époque. De Roland Dorgelès à Paul
Nizan, de Jean-Richard Bloch à Paul Morand, d’Henry de Montherlant à Louis
Aragon et André Malraux innombrables sont les œuvres qui n’envisagent plus les
problèmes contemporains du seul point de vue de la France, ou de l’Europe, mais
dans une perspective plus large, plus « mondiale » , quelles que
soient au demeurant les leçons qu’ils tirent de ce qu’il faut bien appeler un
« décentrement » qui conduit à un renouvellement sensible des
problématiques comme des géographies culturelles. Certes, l’exotisme7 , que l’on situe parfois, ce qui
est contestable, en amont des
littératures coloniales elles mêmes, avait procédé depuis longtemps à un tel
décentrement, et sa quête de paysages et d’espace nouveaux contribua sans nul
doute à enrichir l’imaginaire européen, loin de certaines caricatures que l’on
en donne parfois. Mais il est incontestable que la deuxième vague colonisatrice
va accentuer des mouvements culturels puissants, depuis longtemps perceptibles
au plus profond de l’histoire littéraire européenne.
Ces mouvements, il est bien évident
qu’ils ne se laissent pas enfermer dans des catégorisations scolaires trop
étroites. Il y a eu, bien avant la littérature coloniale stricto sensu, une littérature de l’ère des Empires, qui inclut
l’exotisme mais ne s’y réduit pas, et accompagne ce qu’une équipe d’historiens
réunie par Pierre Léon appelait dans un livre publié il y a déjà trente ans
l’ « ouverture du monde »8
et résumait dans une belle formule : « des univers à l’univers »
. L’aventure portugaise, outre-mer, fut sur ce point décisive, et il faut
rappeler que, au cœur du XVème siècle déjà, Lisbonne fut une capitale
mondialisée : « Lisbonne devient bientôt un musée oriental. A son
port affluent régulièrement les cargaisons d’épices : le poivre et le
gingembre du Malabar, la cannelle et les émeraudes de Ceylan, le clou de girofle
des Moluques, le camphre de Bornéo, le benjoin de Sumatra, le santal de Timor,
mais aussi l’ivoire de Guinée et du Mozambique (…) les paravents du Japon et
les porcelaines de Chine ». Le beau livre dont sont extraites ces lignes 9 analyse ces flux de marchandises sans omettre
de les relier aux changements culturels eux-mêmes, aux thématiques poétiques,
aux récits de voyage. Comme vient de le montrer Serge Gruzinski dans un ouvrage
appelé à faire date, Les quatre parties
du monde. Histoire d’une mondialisation10 , la découverte de la diversité des langues et des cultures, et
d’une réalité humaine beaucoup trop vaste et complexe pour être ramenée à un
seul centre marqua profondément les mentalités européennes dès la première
mondialisation ibérique, malgré, bien sûr, toutes les prétentions à un Empire
universel capable d’unifier la planète dans un ensemble cohérent. Ce n’est
point un hasard sans doute si les historiens, plus que les littéraires, ont été
sensibles à ce double mouvement contradictoire et disjonctif : occidentalisation
du monde, mais aussi irruption, au cœur de l’Occident, d’une réalité africaine,
chinoise, indienne, qui tend peu à peu à métisser l’imaginaire européen
lui-même. E. J. Hobsbawm, dans sa synthèse L’ère
des empires, 1875-1914 a bien
montré la complexité de ces interinfluences au seuil du monde
contemporain : « La densité même des réseaux de communication et la
facilité avec laquelle on avait désormais accès aux terres lointaines et
étrangères accrurent, directement ou indirectement, non seulement les heurts,
mais aussi les influences réciproques entre l’Occident et le monde
exotique »11. Ce sont ces
« influences réciproques » qui préoccupent aujourd’hui beaucoup
d’historiens de la culture12 et
elles définissent assez bien le territoire topique d’un imaginaire (et d’une
littérature) de
l’ère coloniale qui a
été depuis toujours sensible à ces rencontres et
ces mélanges, même si, dans la
plupart des textes, l’idéologie déclarée est
celle d’une hégémonie culturelle à
partir d’un « centre » européen. Un
exemple parmi tant d’autres de
cette capacité qu’eurent les écrivains de
l’ère coloniale de percevoir leur époque comme le moment
privilégié d’un vaste processus de décloisonnement des mondes, à partir duquel
s’établissent partout des connexions et des interdépendances : en 1936,
Gaston Pelletier et Louis Roubaud publient chez Plon un essai incisif, Empire ou colonies, qui s’ouvre par une
citation de Paul Valéry, « De notre temps, l’histoire d’un monde fini
commence ». Les deux auteurs constatent que l’ère des Empires est celle
d’un monde où les différentes parties de la terre « ont des cloisons, non
des clôtures », et quand ils s’efforcent de saisir l’originalité profonde
du monde qui est le leur, ils y reconnaissent un « double caractère de
particularisme et de connexion (qui) marque un ordre de choses nouveau et sans
précédent dans l’histoire »13.
Par
rapport à l’ère de l’hégémonie
ibérique, c’est bien sûr la révolution
technique
et scientifique, l’accélération du cours de
l’histoire, l’invention d’une nouvelle
temporalité, qui bousculent partout les rythmes anciens chers
à la sensibilité
exotique, décrivant ainsi les points forts d’une
modernité
« coloniale » dont Roubaud avait pu observer
quelques exemples
éclatants au Maroc14 . Il y
a bien sûr dans ce livre tout un héritage saint-simonien sur lequel il est
inutile d’insister. Mais ce thème est un véritable lieu commun dans la
littérature des années 1920-1940, qu’il conduise à une exaltation des rythmes
nouveaux15 ou au contraire à une déploration
romantique de la disparition des mondes anciens. En 1925, dans le chapitre de
conclusion de Derniers reflets à
l’Occident, André Chevrillon s’était
souvenu de ses lectures anglaises (Burke, Carlyle, Ruskin) au moment de tracer
la panorama d’un fantastique changement d’époque qui voit partout triompher un
nouveau principe d’organisation du réel, pragmatique, utilitariste,
désenchanté, contredisant toutes les cultures jusqu’alors connues sur le globe,
et qui toutes s’étaient fondées sur « une certaine représentation de
l’absolu » : « C’est la première fois que l’on voit de grandes
sociétés muer toutes en même temps, dans le même sens, parce qu’un travail
spontané de l’esprit ruine en chacune ses antiques idées directrices pour la
soumettre au nouveau principe rationaliste et utilitaire »16. On entend dès lors partout les
« craquements » d’un monde millénaire, d’Istanbul à Fès, de Marrakech
à Bombay et c’est là le cœur, pense Chevrillon, de la réalité de l’ère
impériale. Cette réalité, faite de bouleversements culturels jusqu’alors
inédits, les littératures de l’époque ont-elles su en mesurer toute
l’ampleur ? Au-delà de l’illusion exotique dont la grande tentation est de
figer les cultures dans leurs miroitements esthétiques, ont-elles pu exprimer
l’historicité profonde de leur temps ? A l’évidence, les grands textes de
l’ère coloniale, ceux qui ne s’enferment pas dans le poncif et l’ethnotype, ont
tous été sensibles au « phénomène nouveau, sans analogue dans l’histoire
humaine » dont Chevrillon analyse la « rapidité, qui s’accélère
toujours »17. Certes, les réactions
au nouveau cours des choses sont infiniment variées : cela va de la
nostalgie d’un Loti, qui, dans son beau récit de 1890, souhaitait que le vieux
Maroc oriental puisse échapper, comme miraculeusement, à une main mise
européenne qui lentement le banaliserait, à l’exaltation
« constructiviste » des grands récits coloniaux classiques (Robert
Randau, Louis Bertrand, Robert Delavignette, Oswald Durand, André Demaison),
qui adhérent, avec plus ou moins de réserves, à l’intention modernisatrice du
nouvel ordre impérial. D’autre part, la sensibilité exotique survit dans les
romans et les récits des années trente (Odette du Puigaudeau en est un bel
exemple), et n’est nullement détruite par un roman colonial aux visées plus
réalistes et historicistes. Le roman colonial lui-même (Robert Delavignette) se
laisse souvent aller à une nostalgie exotique que ne parvient jamais à détruire
complètement l’état d’esprit pionnier et conquérant qu’exalteront un Robert
Randau ou un Jean d’Esme18. Les
choses sont donc complexes et nécessitent, plus qu’un réflexion théorique sur
les genres littéraires et les définitions, un véritable retour au texte, une
analyse précise des textes eux-mêmes que la notion de littérature d’Empire
permet sans doute de regrouper par delà leur évidente diversité.
Sur ce point précis, André
Chevrillon (1864-1957), aujourd’hui bien oublié –alors qu’il fut, avant 1914 et
jusqu’en 1936- un auteur très lu et respecté, mérite un détour : son œuvre
fut en effet au cœur de toutes une série d’interrogations historiques,
philosophiques, esthétiques et elle a su voir avec acuité un certain nombre de
problèmes cruciaux soulevés par l’expansion impériale. Chevrillon connaissait
d’autant mieux toutes ces questions complexes que sa double culture, française
et anglaise (il fut agrégé d’anglais en 1887), faisait de lui un témoin averti
de la réalité impériale de l’Europe. Ce neveu d’Hippolyte Taine (qui veilla sur
son éducation après la mort prématurée de son père) eut d’autre part
l’opportunité, durant toute sa jeunesse, de fréquenter un milieu parisien
érudit et très informé des grands problèmes de politique coloniale. Il sera toute sa vie bien introduit dans le
groupe influent des artisans de la colonisation. En 1905, il entreprit un
premier voyage au Maroc19
où il
fut accueilli par son beau-frère Georges
Saint-René-Taillandier, Ministre de
France à Tanger. Celui-ci l’avait déjà
reçu à Beyrouth en 1894. En 1913, puis
en 1917, il voyagera à nouveau au Maroc, invité par
Lyautey qui était très
attentif à soigner ses relations avec les écrivains et
les intellectuels. Il
sera élu à l’Académie française en
1921, et siègera aussi à l’Académie des
sciences coloniales. Son œuvre20 fut marquée dès son premier grand récit de
voyage, Dans l’Inde (1891), par la
conviction d’être le témoin de l’un des grands bouleversements du monde, et du
cours nouveau que le renforcement des politiques impériales – particulièrement
en France- allait imprimer à l’histoire de l’Europe. De ce point de vue, le
premier récit, Dans l’Inde, est
particulièrement intéressant, y compris dans certaines de ses naïvetés
(Chevrillon commença à le rédiger dans sa vingt-quatrième année). Il fut publié
douze avant celui de Pierre Loti, L’Inde
sans les anglais (1903) qui pourtant l’éclipsera dans la mémoire
littéraire. La conquête complète du pays par les anglais était chose effective
depuis 1819-1820. Par ailleurs, la culture européenne avait approfondi depuis
la fin du XVIIIème siècle sa connaissance des textes sacrés de
l’hindouisme : en 1784, la traduction anglaise de la Bhagavad-Gîtâ par Wilkins eut un retentissement européen21 , et Chevrillon avait pu prendre
connaissance de l’édition parrainée à Oxford par Max Müller des Sacred books of the East,
qui comportera
en tout cinquante volumes, de 1879 à 1910. Bien
évidemment, sa vision de l’Inde
devra beaucoup à la science orientaliste européenne de
son temps qui depuis une
centaine d’années avait abattu un travail
considérable, non sans faire des
choix parfois contestables et omettre certains pans de la
réalité indienne que
l’on redécouvrira plus tard : Chevrillon comme
beaucoup de ses
contemporains ne comprend pas l’Inde dravidienne et est surtout
fasciné par la
métaphysique savante (védique et vishnouïste) plus
que par la religiosité
populaire. Si c’est l’Inde
« métaphysique » qui l’attire (ce
qui
l’inscrit incontestablement dans le sillage d’un certain
orientalisme
romantique), il fut cependant très attentif au
phénomène impérial en tant que
tel, et consacra de nombreuses pages curieuses au processus de
modernisation
technique que l’Empire britannique encourageait. Il sut
décrire aussi avec un
sens de l’observation souvent très ironique les colons
anglais transplantés en
Inde, commerçants, fonctionnaires, militaires, et qui souvent y
transportaient
leurs habitudes les plus insulaires. Le tableau de l’Inde tend
dès lors à
devenir une sorte de diptyque : il y a d’un
côté l’Inde moderne, saisie
dans un tourbillon de transformations, ouverte au commerce et aux
échanges, que
symbolise surtout Bombay. Et à côté d’elle,
certainement en dehors d’elle, et
très loin dans le temps même si leurs espaces peuvent se
juxtaposer
quelquefois, l’Inde « indienne », comme
l’écrit Chevrilllon lorsqu’il
arrive à Bénarès. Dès le début de
son voyage, Chevrillon fut sensible à ce
clivage de l’espace, qui pose, au-delà de
l’anecdote, un certain nombre de
questions brûlantes. Sur le bateau déjà, avant
même d’aborder à Ceylan (et de
s’imprégner alors d’atmosphères qu’il
dépeint comme purement « exotiques »),
le jeune voyageur éprouve un certain malaise :
« Sous la double
tente, les soirées sont pénibles : odeurs fades de
cigarettes, d’huile de
machine. D’ailleurs, on est las de faire les cent pas avec des
connaissances de
voyage, d’échanger des lieux communs à propos du
général Boulanger ou de M.
Gladstone, de subir toutes les banalités de cette
civilisation »22. Par la suite, le récit confirmera
cette ligne de partage entre un climat exotique et un climat colonial. Le
premier renvoie davantage à des sociétés qui ont su, au cours des siècles,
perpétuer les intuitions premières qui les ont vues construire des styles
architecturaux et des spiritualités. Leur essence est religieuse, et le sacré
bouddhiste qui règne à Ceylan comme la spiritualité hindouiste de Bénarès sont
aux antipodes du climat colonial moderne, tout entier tourné vers le monde
matériel et l’utilité. Tout au long du récit, Chevrillon analyse ce que nous
appellerions aujourd’hui des phénomènes de globalisation (par le commerce et
les routes maritimes, par la technique et les chemins de fer) qu’il oppose à la
sacralité des sociétés closes, tournées vers elle-même, et certainement un
certain enchantement des origines. Les sociétés ouvertes banalisent, les
sociétés traditionnelles maintiennent partout la chaleur et la ferveur du mythe
et du récit légendaire. La globalisation est omniprésente, dans sa réalité
sociale et économique, sans être nommée
en tant que telle (Chevrillon parle plutôt d’une « généralisation »
des principes utilitaristes qui sont au fondement des sociétés modernes). On la
retrouve d’abord dans la grande salle de réception du navire qui traverse
l’océan indien : « Elle est très belle, cette salle, toute pleine
d’Européens de passage, qui font des taches noires sur la foule blanche des
Asiatiques. C’est ici comme un grand buffet posé au carrefour des grand’routes
de la terre. A ces tables se rencontrent des voyageurs partis des point opposés
du globe… passagers du Paramatt qui fait route demain pour
l’Australie et la Nouvelle-Zélande, militaires français, passagers du Calédonien qui continuent ce soir vers
Singapour et Saïgon, Chinois qui vont visiter l’Europe, Civilians anglais qui vont administrer l’Inde »23 . Il y a ainsi un début de brassage –à
défaut de véritable métissage- qui va par la suite caractériser toutes les
atmosphères coloniales que décrit Chevrillon, à l’exception, bien sûr, des
quartiers et des zones où les colons anglais ont tout simplement reproduit à
l’identique leur mode de vie d’origine. A Bombay (et nous sommes alors à la fin
du voyage), ce brassage provoque même un sentiment de confusion, en même temps
qu’il inquiète comme la préfiguration possible d’une société future où les
grandes cultures auraient toutes perdu leur style et leur singularité : « Décidément,
j’ai du mal à comprendre la physionomie de cette Bombay, trop diverse et trop
confuse. (…). Partout, à toute heure du jour, le ruissellement de la foule,
plus dense qu’à Bénarès, une foule bigarrée où se confondent tous les costumes
de l’Asie, où se coudoient tous les types de l’humanité, Européens en jaquette,
Arabes en fez, Persans, Afghans, nègres lippus, grêles Malais, Cinghalais
féminins, Parsis, Juifs, Chinois en robes de soie. Probablement, depuis
Alexandrie, il n’y a pas eu un tel raccourci de toute l’humanité, de ville
aussi cosmopolite. Il y a ici des coins de Londres, des coins de Bénarès, des
coins de Shangaï »24. En ce
sens, Bombay est bien une grande ville d’Empire, à la différence de Bénarès
l’impénétrable25. Ces « coins de
Londres », Chevrillon les retrouvera partout en Inde26, jusqu’à percevoir d’ailleurs la
colonisation comme étant aussi la tentative de greffe d’un coin de l’âme
anglaise sur l’âme indienne. Mais il ne cessera de poser une question qui est à
ses yeux essentielle : jusqu’à quelle profondeur l’influence anglaise
est-elle parvenue : imprégnation véritable ou simple verni de
surface ? Dès le début de son voyage, il avait rencontré des hindous
anglicisés, qui souvent l’ont laissé perplexe, surtout lorsqu’ils lui tiennent
des propos favorables à la colonisation. A Kandy, il avait déjà engagé dans le
train une conversation étonnante avec un « gentleman cinghalais » qui prenait à son compte toute
l’argumentation anglaise en faveur de la modernisation du pays tout en
exprimant son mépris pour l’ « ignorance et l’idolâtrie » du
« pauvre paysan cinghalais » comme s’il était lui-même « un
colon anglais »27. Mais
Chevrillon objecte toutefois qu’une « copie aussi parfaite n’est pas
naturelle », et en observant que
« cet étalage européen jure avec sa jupe blanche », il se demande si
l’ « imitation va plus loin que la surface »28 : ce qui est en cause, c’est bien sûr
la résistance des cultures au processus d’occidentalisation, dont Chevrillon
est à deux doigts souvent de remettre en cause la légitimité. En Inde, et,
comme il le constatera par la suite, au Maroc29,
la pénétration occidentale entraîne tout d’abord une démoralisation, une destruction des mœurs anciennes et de l’ordre
–surtout symbolique- qu’elles construisaient. Il faut noter que cette
inquiétude se retrouve dans plusieurs récits de l’ère coloniale, et avec une
force toute particulière dans La fête
arabe de Jérome et Jean Tharaud30,
constat amer et paradoxal de la destruction par le processus colonial de
l’ancienne culture bédouine, porteuse de valeurs morales et sociales puissantes
vouées, semble-t-il, à une implacable érosion. Il y a chez Chevrillon le même
doute sur les bienfaits ultimes d’un décloisonnement des mondes qui se traduit
d’abord par la destruction d’équilibres anciens et civilisateurs. On comprend
dès lors sa fascination pour les espaces les plus préservés, au cœur de Ceylan
la bouddhiste et de Bénarès l’hindouiste, quand il a l’impression de parvenir à
un centre, un point de gravité où l’essence originelle des cultures n’a rien
perdu encore de ses pouvoirs anciens. Il comprend alors que l’Europe, et
surtout sa réalité contemporaine, façonnée par la science et une conception
positiviste du monde, n’est qu’ « un petit coin du globe où se poursuit un
développement local et particulier de l’humanité »31 : voyager, au cœur des Empires,
permet de prendre cette juste mesure des choses. Le paradoxe est bien dans un
processus colonial qui rapproche les cultures et en même temps les relativise
et les particularise : l’Europe, en voulant s’imposer comme le seul centre
du monde, découvre qu’elle est environnée, comme noyée, dans de vastes univers
culturels qui jusqu’à présent ont su se passer d’elle. Chevrillon ne va pas
au-delà de cette saisie des réalités des Empires, sans trancher sur le
fond : l’Inde pourra-t-elle préserver, dans le processus de
décloisonnement qui l’affecte, l’essentiel de son « essence », pour
reprendre le vocabulaire, évidemment romantique, du récit de son récit ?
L’occidentalisation se contentera-t-elle d’être technique, commerciale,
financière, sans toucher aux profondeurs religieuses d’une culture qui, comme
toutes celles des vieux mondes, est « fondée, en dernière analyse, sur une
certaine représentation de l’absolu »32.
Quelques années plus tard, au Maroc, face à l’Islam, l’interrogation restera la
même, et encore, dans les années trente, au Mzab, en Algérie. Dans tous ces
livres de Chevrillon, il est évident que la question de l’espace – culturel
plus que géographique- est centrale en même temps que celle de la rencontre de
mondes qui parfois vécurent entièrement séparés, jusqu’au moment où les vastes
Empires coloniaux vinrent les désenclaver33.
Bertrand Badie rappelle, dans La fin des
territoires, que la notion d’Empire diffère de celle d’Etat-nation ou de
colonies sur ce point précis de la vision politique de l’espace :
« Il est certain que le projet culturel qui fonde la construction
impériale est peu compatible avec le principe de territorialité. Il suppose
extension, rayonnement et diffusion ; il est à ce titre, rebelle à tout
bornage. L’Empire ne connaît en fait qu’une identité, celle de la
culture qu’il promeut et qu’il a pour objectif d’universaliser »34. Mais dans le projet colonial lui-même,
il y a bien sûr la vision d’extension du principe de territorialité (le cas
exemplaire fut l’Algérie), bien plus que l’invention d’une forme politique
nouvelle « dotée de son propre usage du territoire qui se distingue de
l’Etat-nation pour opposer, aux vertus de l’unicité, de la fixité et de la
frontière, celles de la multiplicité, de la souplesse et des limes »35.
Il y a bien, en ce sens, depuis la deuxième colonisation française, une
littérature d’Empire, sensible à l’ouverture mondiale des voies de
communication et d’échange, à la multiplicité des cultures et des
« centres », à la coexistence des imaginaires, et une littérature
coloniale, davantage préoccupée par les « territoires » et les
frontières. Les récits de voyage et d’aventure illustrent parfaitement la
première alors que la seconde relève davantage d’une volonté coloniale
constructiviste et assimilationniste. Une rapide comparaison entre André
Chevrillon et Ernest Psichari permettra de mieux comprendre cette ligne de
partage qui ne recoupe pas exactement la distinction classique littérature coloniale/littérature
exotique.
Une génération sépare Ernest
Psichari (1883-1914) d’André Chevrillon, mais ce petit-fils de Renan vécut
comme l’auteur de Dans l’Inde au cœur
des élites républicaines de la France d’avant 1914, lut souvent les mêmes
écrivains que lui et conçut une œuvre profondément marquée par le processus
colonial. La différence essentielle est de tempérament d’abord (la jeunesse de
Psichari fut tourmentée et parfois chaotique), mais tient aussi aux engagements
personnels et aux carrières. Psichari fut un colonial classique, hormis sa
sensibilité littéraire à fleur de peau, sa culture raffinée, et ses talents de
plume, caractéristiques que l’on retrouve ailleurs36 , mais qui prirent chez lui un relief
bien particulier37. D’abord engagé dans l’armée
de terre, il rejoignit, en décembre 1905, le 1er régiment
d’artillerie coloniale, à Lorient. Cela lui permit d’intégrer l’équipe de la
Mission du Haut-Logone, dirigée par le commandant Lenfant, entre les bassins du
Tchad et du Congo. Les buts de la Mission relèvent d’une territorialité
coloniale des plus classiques : « Quand Psichari arrive en
Oubangui-Chari, la présence française y est très faible et la résistance
africaine vivace. Il reste à prendre véritablement possession de la colonie, à
en déterminer les contours pour en maîtriser l’espace », comme l’écrit
Frédérique Neau-Dufour38 .
Durant toute la Mission, Psichari tint un Journal qui est un document de
première importance pour comprendre de l’intérieur ce que fut la vie
quotidienne en même temps que les préoccupations scientifiques d’une expédition
africaine comme il y en eut alors beaucoup. En 1908, Psichari publia à Paris
chez Calmann-Lévy un livre qui lui valut l’admiration de quelques grands noms
des lettres françaises de l’époque (entre autres Charles Péguy) : Terres de soleil et de sommeil, dont la
« première jetée », pour reprendre l’expression d’Henriette Psichari,
fut offerte au public à titre posthume dans l’édition des Oeuvres complètes de 1948 sous le titre de Carnets de route39. La vision
« territorialisante » de l’Afrique est frappante dans ces deux
livres. Il s’agit bien sûr de faire reculer le plus possible la part d’ombre et
d’inconnu d’un continent encore mystérieux et opaque : répertorier et
identifier les populations, dresser des cartes, fixer avec une précision
parfois maniaque le cours des fleuves, envisager la possibilité de nouveaux
tracés de routes, établir le lexique des langues africaines, essayer de
comprendre leur religion, leurs coutumes, leur organisation sociale. Dans le
récit qu’il fit en 1909 de cette Mission40,
le commandant Lenfant résuma en quelques phrases lapidaires, et
sans doute
excessivement optimiste, ce désir colonial de contrôle et
d’inventaire de
l’espace géographique comme culturel :
« Les races ont été
pénétrées
et décrites, le mystère est éclairci sur leur
compte (…). La Mission a soulevé
l’un des derniers voiles de ténèbres qui
recouvraient encore ces régions du
Continent noir ». Psichari n’émettra jamais de
réserve à cet égard, mais
il aura une manière beaucoup plus littéraire
d’inscrire l’Afrique dans
l’imaginaire européen et français, et donc de
réduire son étrangeté et sa
distance. Il faut relire dans cette perspective les belles pages
qu’il
consacre, dans Carnets de route, au
« romantisme » de l’Afrique, qui est sans cesse décrite en référence
à des œuvres occidentales : « De larges vallées boisées nous
entourent, et nous nageons ici dans le Lamartine le plus pur. Nullement exempt
de mystère, ce Nao, farouche et lumineux Walhalla ! Ici, Wotan et Brunnehilde
au yeux glauques habitèrent peut-être avant l’exil dans la brume »41. Dans Terres de soleil et de sommeil, le monde antique est invoqué à longueur de pages pour faire de
l’Afrique contemporaine une sorte de miroir de cet univers perdu : un
enfant gonflant ses joues ressemble à un triton, ailleurs, on se retrouve dans
des atmosphères homériques, mais le drapé des femmes peut aussi bien renvoyer à
l’Orient, un Orient qui n’est jamais perçu comme totalement étranger à
l’Europe, puisque la Grèce en est l’un des visages. Certes, tout comme dans les
récits de Chevrillon que Psichari avait sans doute lus, il arrive que l’on
éprouve un sentiment plus inquiétant : celui d’être face à des réalités
impénétrables que l’on a peut-être l’illusion de pouvoir expliquer. Mais pour
l’essentiel, le devoir du colonial est de créer de la ressemblance, en
inscrivant la réalité africaine dans des frontières stables, en la fixant et la
déterminant.
Il est sans doute possible de relire
beaucoup de textes de l’ère de l’expansion à partir de ces deux postures, qui,
certes, ne sont pas toujours séparées de façon trop tangible. Il s’agit plutôt
dans l’un et l’autre cas d’une sensibilité, d’une tonalité dominantes que
laissent s’exprimer les textes. L’imaginaire territorial des littératures
coloniales, dans l’acception stricte et précise de ce mot, voisine avec des
représentations plus fluides des cultures et des espaces, où les thèmes de
l’éloignement, de la diversité, de la pluralité des centres s’accommodent plus
facilement de l’héritage culturel de l’exotisme. L’imaginaire colonial est sans doute l’expression,
historiquement très datée, d’un imaginaire impérial
autrement plus vaste, où s’expriment avec sans doute davantage de force les
enjeux –aujourd’hui éclatants- d’une littérature mondiale dont nous percevons désormais qu’elle est la lointaine
conséquence d’un processus fort ancien de décloisonnement des mondes : et
surtout le creuset, de nos jours, de toutes nos modernités culturelles.
Notes
1
A titre indicatif : Jean-Marie Seillan, Aux sources du roman colonial (1863-1914). L’Afrique à la fin du XIXème
siècle, Paris, Karthala, 2006. Jacques Weber (dir.), Littérature et Histoire coloniale, Paris, Les Indes savantes, 2005,
Jean-François Durand et Jean Sévry (dir.), Regards
sur les littératures coloniales, trois volumes, Paris, l’Harmattan, 1999.
Roger Little dirige depuis 2002 une collection de réédition de textes de l’ère
coloniale (Paris, « Autrement Mêmes », éd. L’Harmattan) qui en est, à
ce jour à son quarantième volume (entre autres Lucie Cousturier, Pierre Mille,
Lafcadio Hearn, Roland Lebel, Jean d’Esme, Robert Randau, Georges Hardy, Maurice
Delafosse…) Une société savante, fondée à Montpellier en 2002, la Société internationale d’étude des
littératures de l’ère coloniale (SIELEC )
publie ses travaux annuels aux éditions Kailash, Paris-Pondichéry : Littérature et colonies (2003), Nudité et sauvagerie, fantasmes coloniaux
(2004), Fait religieux et resistance
culturelle dans les littératures de l’ère coloniale (2005), L’usage de l’Inde (2006).
2
La mise en valeur des colonies françaises,
Paris, Payot, 1922.
3
On retiendra parmi les œuvres classiques qui reprennent (non sans nuances
parfois), le thème de la modernisation coloniale, Robert Delavignette, Les paysans noirs, Paris, Stock, 1931
et Oswald Durand (Préface d’André
Demaison) Terre noire, éditions L.
Fournier, 1935. Dans sa Préface, Demaison oppose un « vrai »
exotisme, qui correspond en fait à la visée réaliste des littératures
coloniales, à l’ « exotisme de convention » qu’il pense trouver
chez Chateaubriand, Bernardin de Saint-Pierre et Pierre Loti.
4 Littérature
et Histoire coloniale, Op. cit., p. 15
6
Marius-Ary Leblond, Après l’exotisme de
Loti, le roman colonial, Paris, Valdrasmussen, 1926. Voir aussi Roland Lebel, Histoire
de la littérature coloniale,
Paris, Larose, 1921 et Eugène Pujarniscle, Philoxène
ou la littérature coloniale, Paris, Firmin Didot, 1931.
7
Voir la mise au point de Jean-Marc Moura, « Littérature coloniale et
exotisme », dans Regard sur la
littérature coloniale, tome I, Paris, L’harmattan, 1999, p. 21-39.
8
L’ouverture du monde. XIVè-XVIè siècles,
volume dirigé par Bartolomé Bennassar et Pierre Chaunu, tome I de l’Histoire économique et sociale du monde
de Pierre Léon, Paris, Armand Colin, 1977. Plus récemment, C. A. Bayly a proposé une synthèse historique,
mais plus en prise sur lévènement contemporain, de ce vaste processus de désenclavement des mondes, La naissance du monde moderne (1780-1914),
Paris, Le Monde diplomatique-Les éditions de l’atelier, 2006 (1ère
édition Oxford, 2004). Un chapitre entier aborde les problèmes de la
globalisation dans « le monde des arts et de l’imagination » (p.
414-441).
9
Luis de Matos, L’expansion portugaise
dans la littérature latine de la Renaissance, Lisbonne, Fondation Calouste
Gulbekian, 1991, p. 41-42.
10 Paris, éditions de la Martinière, 2004.
11
Paris, Fayard, 1989, p.109-110 (1ère
édition Londres, 1987). Le
chapitre 9 est consacré au thème des « arts
renouvelés » à l’ère des
Empires.
12
Edward Saïd remarque dans Culture et
Impérialisme : « En partie à cause de l’impérialisme, toutes les
cultures s’interpénètrent, aucune n’est solitaire et pure, toutes sont
hybrides, hétérogènes, extrêmement différenciées et sûrement pas
monolithiques » (p. 29). Ce constat est le point de départ du bel essai de
Homi K. Bhaba, Les lieux de la culture.
Une théorie postcoloniale.
14
Mograb,Paris, Grasset, 1934.
15
Ces nouveaux rythmes fascinent bien sûr les écrivains voyageurs de l’époque,
comme Paul Morand . André Demaison, dans La revanche de Carthage (Paris, Les écrivains français, 1934)
voyait quant à lui dans l’avion le symbole d’une modernité impériale qui
introduisait dans l’histoire une nouvelle dimension spatio-temporelle. Le
chapître II de son livre s’intitule de manière significative « Les routes
de l’air ».
16
Derniers reflets à l’Occident, tome
II, p. 238, 243.
18
Robert Randau, Les colons, Paris,
Sansot, 1907 (réédité par Raïd Zaraket, L’Harmattan, 2007, collection
« Autrement mêmes ») et Les
Algérianistes, Paris, Sansot, 1911.
Jean d’Esme, Les Défricheurs
d’Empires, Paris, Les éditions de France, 1937. Louis Bertrand avait, dès
1899 avec Le sang des races (Paris,
Ollendorff)
19
Il visita l’Inde une première fois en 1888, puis en 1902 avec un détour par
Ceylan et la Birmanie. En 1892, il découvrit l’Egypte et la Judée. Il parcourut
plusieurs fois le Maroc, entre autres en 1905, 1913 et 1917, puis l’Algérie en
1923 et 1925. Il fut aussi un analyste attentif de l’évolution de la société
américaine.
20
Parmi les titres les plus importants :
Dans l’Inde, Hachette, 1891.
Terres mortes, Thébaïde Judée, Hachette, 1897. Réédition Paris,
Phébus, 2002.
Etudes anglaises, Hachette, 1901.
Sanctuaires et paysages d’Asie, Hachette, 1905.
Un crépuscule d’Islam, Hachette, 1906.
La pensée de Ruskin, Hachette, 1909.
Nouvelles Etudes anglaises, Hachette, 1910.
Marrakech dans les palmes, Calmann-Lévy, 1919. Réédition
Aix-en-Provence, Edisud, 2002.
L’enchantement breton, Plon, 1925.
Derniers reflets à l’Occident, Plon, 1925.
Les Puritains du désert, Plon, 1927.
Taine, formation de sa pensée, Plon, 1932.
Visions du Maroc, 1933.
Kipling, Plon, 1936.
21
Sur tous ces points, voir Raymond Schwab, La
Renaissance orientale, Paris, Payot, 1950.
22
Dans l’Inde, p. 7.
24
p. 281. Voir de même les descriptions de Darjeeling p. 74 et surtout p.
81 : « On arrive préparé par le voyage pour les grandes émotions, et
l’on trouve une ville de plaisance anglaise ».
25
Dans ses récits marocains, Chevrillon retrouvera ce contraste à travers
l’opposition Fès, ou Marrakech/Casablanca. Il consacre des pages remarquables
dans Marrakech dans les palmes à
l’expansion « californienne » de Casablanca, sur fond de spéculation
immobilière et de dérèglements boursiers : « J’imagine que la
Californie, le Klondyke ont ainsi commencé. dans un cadre hétéroclite où la
vieille misère indigène, ailleurs si touchante et si grave, s’avilit, je ne
voyais que les désordres de la Bourse et de la fête. Bourse et foire aux
terrains, à tout moment et partout… » (rééd. Edisud, 2002, p. 18.)
26
Il note par exemple à Calcutta : « Rien de bizarre comme ce mélange
d’Asie et de Londres..par instant, on se croirait dans le West-End, près
d’Hyde-Park. Mêmes larges rues droites, mêmes maisons monumentales, mêmes
porches à colonnes grecques, même ampleur des trottoirs, mêmes squares ceints
de grilles, mêmes statues anglaises à tous les coins de rue » (Dans l’Inde, p. 67).
29
Le Maroc passionna Chevrillon parce qu’il demeura longtemps fermé à la
pénétration occidentale, du moins dans ses masses continentales. le traité de
Fès ne fut signé qu’en 1912, et le pays ne fut véritablement
« pacifié » qu’à la veille du second conflit mondial. La littérature
abordant ces problèmes est considérable, de Charles de Foucauld à Eugène Aubin,
de Walter Harris à Maurice Le Glay et Saïd Guennoun, d’Etienne Nolly à René
Euloge.
30
Paris, Emile-Paul, 1912.
32
Derniers reflets à l’Occident, op.
cit., p. 238. On reconnaîtra
une influence de Carlyle : pour un individu comme pour une communauté,
« the thoughts they had were the parents of the action they did ;
their feelings were parents of their thoughts : it was the unseen and
spiritual in them that determined the outward and actual ; their religion,
as I say, was the great fact about them », On heroes, hero-worship and the heroic in history, Londres, Chapman
and Hall, 1893, p. 3.
33
Vision certes réductrice qui ne tient pas compte dune histoire complexe au
cours de laquelle les routes et les voies d’échange existaient bien sûr, mais
souvent vers d’autres géographies que celle de l’Europe.
34
La fin des territoires, Paris,
Fayard, 1995, p.21.
36
Voir André Le Révérend, Un Lyautey
inconnu. Correspondance et journal inédits, 1874-1934, Paris, Librairie
Académique Perrin, 1980 et Lyautey
écrivain, Ophrys, 1976.
37 Voir le portrait tout en nuances qui se
dégage de la biographie de Frédérique Neau-Dufour, Ernest Psichari, l’ordre et l’errance, Paris, les éditions du Cerf,
2001.
38 Ibid., p. 136. Voir aussi ma réédition des Carnets de route, Paris, L’Harmattan,
collection « Autrement mêmes », 2007.
39
Tome I des Œuvres Complètes d’Ernest
Psichari, Paris, Editions Louis Conard, librairie Jacques Lambert.
40 La
Découverte des grandes sources du centre de l’Afrique, Paris, Hachette.
41 Œuvres
Complètes, tome I, p. 64-65.
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