Jean-Marie Seillan , Université de Nice
Si l’on considère que la littérature coloniale
véritable commence avec la sédentarisation de Français en Afrique, il faut
attendre, à l’exception de l’Algérie, l’entre-deux-guerres pour la voir
apparaître. Mais l’Afrique n’en est pas moins présente dans la littérature
française antérieure à 1914 sous la forme de romans d’aventures. « Continent
inconnu » propice à une affabulation en liberté, elle a nourri
l’imagination d’un grand nombre de romanciers populaires, pour la plupart
oubliés aujourd’hui. Succédant aux plaines du Far-West et aux histoires
d’Indiens de Gustave Aimard, le Sahara, la forêt vierge, les immenses fleuves
dont on n’avait pas encore remonté le cours offraient aux feuilletonistes une
dramaturgie riche en péripéties inédites. Des lieux aussi fabuleux que
Tombouctou ou les Monts de la Lune, des êtres réputés aussi redoutables que les
Niams-Niams ou les Amazones étaient aptes à faire rêver ou trembler les
lecteurs adolescents. Avec Cinq semaines en ballon (1863), Verne explore le
premier, avec grand succès, la richesse de ces potentialités romanesques ; ses
nombreux imitateurs ne manqueront pas d’en tirer des péripéties romanesques,
sans se soucier toujours, malgré leurs prétentions pédagogiques, de décrire
avec fidélité un monde encore largement inexploré. « La vraisemblance
absolue n’existe pas en Afrique », assurait Edmond About en 1865, peu avant
que Louis Noir ne démontre dans Le Lion du Soudan (1869) qu’on pouvait en dire
un peu n’importe quoi