«L’anticolonialisme dans la littérature francaise de l’entre-deux-guerres »
[3/4]
Richard Omgba
Dans le domaine asiatique, les
écrits d'André Malraux commencent, dès 1930, à attirer l'attention sur les
drames de la colonisation en Indochine. La Voie royale annonçait déjà en
effet l'imminence d'un « conflit inévitable entre colonisateurs et colonisés
»
Bien que ses positions soient
souvent taxées d'ambiguës, Louis Ferdinand Céline est également à situer dans
cette mouvance. Son roman, Voyage au bout de la nuit (1932), donne en
effet une image tellement déprimante de la colonie qu'il arrive à ruiner bien
de mythes et à présenter la colonie comme un véritable enfer où colons et
colonisés se détruisent mutuellement. Sur un ton ironique et sans toutefois
adopter la verve incendiaire d'un Albert Londres ou d'un Félicien Challaye par
exemple, Céline parvient, mieux que quiconque, à jeter le discrédit sur la
politique coloniale de la France. Ainsi, les mythes et les slogans comme
l'humanitarisme colonial, le colonialisme éclairé, l'héroïsme colonial, le
messianisme colonial sont complètement balayés pour dévoiler la vaste
escroquerie coloniale.
Au regard des enjeux, on peut dire d'un point
de vue général que l'anticolonialisme de l'entre-deux-guerres est encore
embryonnaire, timide et intermittent. Cependant, il crée déjà une tradition de
pensée qui va se perpétuer après la seconde guerre mondiale, donnant naissance
à un anticolonialisme plus radical et plus vaste. Après la seconde guerre en
effet, Albert Camus, Jean Paul Sartre, Marguerite Duras, Francis Jeanson,
Frantz Fanon et Henri de Montherlant donneront à l'anticolonialisme une
dimension tellement importante que ce mouvement ébranlera sérieusement
l'édifice colonial, permettant ainsi aux intellectuels des colonies de prendre
conscience de leur drame et de susciter la révolte des masses dans les pays
soumis.