Ces travaux ont conduit à formuler le principe selon lequel il y avait
par définition une différence essentielle entre littérature coloniale et
littérature africaine. Celle-ci ne pouvant que s’opposer, sur tous les points
évoqués précédemment, à la littérature coloniale. On a eu ainsi tendance à
affirmer la spécificité de l’une et de l’autre et à concevoir la littérature
africaine comme reposant sur un rejet de la littérature coloniale. Et cela, sur
deux aspects :
-Le lexique, la représentation du monde social, l’idéologie.
-La situation de discours : la parole africaine se substitue à la parole
du colonisateur, dont on pense, non sans raison, qu’il ne pouvait écrire une
phrase comme celle qui constitue l’incipit de L’enfant noir de Camara Laye
(1953) : “J’étais enfant et je jouais près de la case de mon père”. Dans
cette perspective, la littérature africaine est perçue à juste titre comme se
développant dans un contexte de concurrence des discours, ce qui conduit à
porter une attention particulière à la question de l’intertextualité.
Mais cette opposition nettement tranchée
entre littérature africaine et littérature coloniale se modifie au tournant des
années 1980.
Cette évolution tient en grande partie aux
déceptions provoquées par l’indépendance dans de nombreux pays. A cet égard, on
se souviendra par exemple de l’essai de Hélé Béji, Désenchantement national
(1982) et qui peut apparaître comme un texte emblématique. Ou encore des romans
qui ont marqué un tournant en mettant en scène l’Afrique à l’époque de
l’indépendance : Les soleils des indépendances (1968) de Kourouma, Le cercle
des tropiques (1972) de Fantouré, la trilogie de Mongo Beti, Perpétue (1974),
Remember Ruben (1974) et La ruine presque cocasse d’un polichinelle (1979).